Woody Allen serre des coudes pour jouer la malédiction de l’Amour, use de quiproquos trempés dans du burlesque attentionné et façonne des dialogues aux images de ses interprètes : grandiloquents, énervants car trop exagérés, mais du moins attachants. On retrouve, grâce à « Match Point », le style vacillant des premiers Allen. De la touche fébrile d’une Diane Keaton dans un « Manhattan » dont on perçoit quelques gestes bien familiers avec cette Scarlett Johansson prête à tout pour retrouver la relation qui la déchire, qui la motive et l’euphorise, s’unie une mise en scène comme déjà tracée dans la route boueuse et sinueuse. « Match Point » est un film tordu qui parle de sport, de sexe et de ses besoins sans tendresse, qui est intelligent lorsqu’il laisse démarquer des détails relationnels mais qui est lourd et trop insistant lorsqu’il part dans des allusions mal cousues car trop grossières. On s’y plaît autant qu’on s’y ennuie : on se rend bien vite compte de l’incapacité d’une Scarlett Johansson à changer de registre aussi vite qu’une Sharon Stone dans un « Basic Instinct » ou qu’une Kathleen Turner dans une « Guerre des Rose », qu’elle a du mal à se permettre de passer de la jeune femme qui a déjà oubliée le coup tirée dans elle le jour d’avant à la petite donzelle amochée par le bon gars, et qui en redemande encore, avec force et détermination. Donc elle joue faux, et le rythme qui change d’une scène à l’autre, d’un dialogue au suivant, lasse immédiatement. Certes les caractères des personnages sont nuancés, mais leurs propos et leurs identités sont d’un vide abyssale. Et aucune tentation du réalisateur de plonger dans la métaphore stylisée ni dans l’analyse philosophique là-dedans. Le tout début du film, qui met très bien en scène les personnages dans leurs milieux naturels, est donc déterminant à voir pour pouvoir apprécier les comparaisons faites à la toute fin. Ou la logique d’un Woody Allen qui se fait vieux, mais qui a su gardé une certaine flamme et une certaine intensité dans ce qu’il écrit, puis dans ce qu’il réalise. Même si il ne passionne que guère moins, sa présence derrière la caméra pour nous présenter chaque année un projet est toujours la bienvenue. Sauf lorsqu’il se met à batifoler et à faire perdre un degré à son savoir-faire lyrique et artistique. À ce moment précis, lorsqu’on s’aperçoit de la certaine baisse de niveau engrangée par les années, on regrette d’être entré dans la salle et de s’être assis dans ce fauteuil de couleur rouge, numéro de série plaqué à gauche, dans une écriture soignée et mesurée au centimètre, jaune déshumanisé. Sympathique de premier abord, ce « Match Point » se trouve être au final qu’une trop longue traversée dans un désert anarchique de sentiments dénués de passion, avec un final aux limites du gênant dont on se serait bien passés.