Avant de passer sur grand écran, Edger Wright dirigeait la série « Spaced » qui a connu un fort succès à l’époque. Discret dans son retour, il convainc néanmoins le public geek, affamé de burlesque à outrance. En ce sens, le réalisateur britannique comble bien leur désir mais les prend à revers, par le biais du montage, où opère un dynamisme percutant. Cependant, il ne faut pas se leurrer si l’on s’attend à un long-métrage profond dans l’âme. Le principal intérêt de cette comédie est qu’il assure entièrement sa raison d’être, ainsi que son décalage intemporel. Wright s’impose peu dans les messages sociétaux à transmettre. Il ne dénonce pas ou peu, au détriment de la machine comique qu’il construit avant tout dans le visuel.
A la fois co-auteur et acteur fétiche du réalisateur, Simon Pegg campe ici, Shaun, un homme qui vit dans l’échec et le passé. Tiraillé de tout part, aussi bien dans sa relation familiale que dans sa relation amoureuse, il n’évolue plus et régresse au fur et à mesure que sa peine augmente. Et c’est aux côtés de Nick Frost, incarnant Ed, qu’il combat le mal qui l’habite. L’individualité est ce qui le définit en un temps, avant de décrocher. Ces deux compagnons font alors face à une communauté conformiste, traduite à travers de l’invasion des « zomb*** ». Il suffit de se référer au plan séquence matinale de Shaun pour se rendre compte qu’il se trouve lui-même être un zombie dans une société de zombies. Ces derniers sont le reflet des entraves du système fermé sur lui-même. Au moment où il décide de s’émanciper, de se révolter, de refuser son intégration sociale, il propose un détachement complet avec ses convictions qui surpasse le devoir ou le courage. Le fait de casser la routine est un acte de révolte en soi. C’est pourquoi on pourrait assimiler ce choix comme une émancipation des codes.
Sur le plan humain, on n’étire jamais le propos jusqu’au bout. La reprise du buddy movie permet de renforcer les liens de l’amitié. La complicité entre Shaun et Ed est d’une simplicité décomplexant que l’humour qui s’en dégage reste intact de bout en bout. Plus fort encore, rien ni même la mort ne peut les séparer, car le duo fonctionne, le duo interagit avec la mentalité d’un récit linéaire, mais fluidifié. La place de la parodie aurait pu titiller le maître du genre, mais George A. Romero semble conquis par l’originalité qui émane de l’œuvre ovni. Porté par des transitions somptueusement brusques, l’intrigue se révèle ludique pour le cinéphile. L’expérience tutoie l’équilibre, où le sensoriel vient surprendre le rire, sans toutefois dépenser du « too much » à outrance, comme la plupart des comédies parodiques, handicapées en structure narrative.
Le point central se trouve au sein du bar Winchester, où la conformité sévie encore et toujours. Et au-delà de ce constat, déjà évoqué plus tôt, l’analogie à la prison mentale de l’adolescence est de rigueur. Si la maison de Shaun semble être le premier abri qui le freine dans sa perspective d’avenir, la description du bar demeure plus symbolique. La peur et la proximité avec la mort révèle la véritable nature des personnes, révèle qui sont les amis sincères. Le potentiel éclate chez Shaun et il découvre son instinct de survie, lui permettant de fuir son passé et le troupeau affamé qui l’encercle peu à peu. Sortir de ces lieux revient ainsi à prendre ses responsabilités et à prendre en main ce qu’il reste d’essentiel afin d’exister.
Au final, on ressent le besoin de parler de l’humain et de l’individualisme qui forge un caractère. Il n’y a pas d’héroïsme, que de l’orgueil. Pas de victoire, que des échappatoires. « Shaun Of The Dead » est une sorte de course pour rattraper la maturité, tant négligé par le bon peuple. En passant par de multiples références populaires et propres à la culture britannique, le bijou de Wright résonne avec inspiration et percussion. Rares sont ces pop-corn movies qui ont l’audace d’assumer leur identité et de proposer du neuf. La moitié flanche soi sur le scénario, soit sur la lecture du projet. Ici, la pépite maintient son ton décalé et parvient également à rendre ses moments « dramatiques » intéressants jusqu’à la dernière seconde. Le bonheur n’est donc jamais loin, il faut juste pouvoir sauter sur l’opportunité, évitant ainsi le stade du pardon où la folie semble difficilement réparable.