La pièce de JC Brisville était exceptionnelle ; son adaptation au cinéma par E.Molinaro ne déçoit pas. Entrés dans nos mémoires comme « le vice appuyé sur le bras du crime » sous la plume de Châteaubriand, Talleyrand et Fouché forment un de ces couples infernaux que notre Histoire a fait naître au gré des circonstances de la vie politique française et des chaos qui bouleversèrent notre pays à lépoque de la Révolution et du 1er Empire. Ayant su lun et lautre sattirer les bonnes grâces des gouvernements successifs qui employèrent leur talent, ils hantent tous les deux un quart de siècle de lHistoire de France, rivalisant dintelligence politicienne, de machiavélisme, de sournoiserie, de sens de la manipulation et du dévouement intéressé, sans cesse guidés par lobsession du pouvoir. Se haïssant courtoisement, ils incarnent la trahison, la corruption, la vénalité, la versatilité et lopportunisme maladif. Fouché est froid, brutal, impitoyable, obsédé par lordre à tout prix, et expéditif ; Talleyrand, surnommé « le diable boiteux », est un prévaricateur, concussionnaire, débauché, fervent adepte de la diplomatie fastueuse et perfide. Servis par 2 grands acteurs au sommet de leur art, les « amants maudits » ont été imaginés dans ce huis clos palpitant, tête-à-tête fictif mais vraisemblable, à lheure où la conjoncture politique les contraint à la négociation. Lauteur nous présente ces 2 êtres à un moment exceptionnel pour le destin de leur pays et leur avenir personnel. Au delà des personnages, tout auréolés des honneurs et des titres conquis, cest la vérité noire et sanglante de ces 2 hommes que lon voit ici ressortir. Lambiance pesante est palpable à chaque instant, accentué par le jeux des éclairages uniquement constitués de chandeliers. Les dialogues sont incisifs et les répliques sont toutes plus succulentes les unes que les autres. La mise en scène, irréprochable,nous fait passer un très agréable moment comme convive à la table de ces 2 monstres.