Un excellent film d'animation français et une vraie bonne surprise que ce "Pourquoi j’ai pas mangé mon père", réalisé par Jamel Debbouze. C'est une jolie surprise que ce film qui est cool, fun et divertissant. L'histoire est assez originale : dans
une jungle tropicale, le roi des singes donne naissance à deux enfants, dont l’aîné, Edouard, est particulièrement petit et chétif et est donc considéré comme indigne à la succession. Le roi décide alors de se débarrasser de lui sous l’influence d’une sorcière maléfique. C’est Ian, l’intendant du roi, qui est chargé de le tuer mais il le prend en pitié, le laisse en vie et devient son ami. Edouard est rejeté par sa tribu. Il grandit loin d’eux, auprès de son ami Ian, et, incroyablement ingénieux, il découvre le feu, la chasse, l’habitat moderne, l’amour et même l’espoir. Il veut alors revenir dans ce groupe pour partager ses découvertes. Le héros va essayer de faire comprendre à son peuple qu’il serait bien d’évoluer, que l’on n’est pas fait pour rester des animaux toute notre vie et que le courage et la tolérance, c’est mieux. Généreux, il veut tout partager, révolutionne l’ordre établi, et mène son peuple avec éclat et humour vers la véritable humanité… Celle où on ne mange pas son père
. Concernant l'histoire, celle-ci est ainsi vraiment prenante, c'est un récit initiatique classique mais bien mené que l'on va suivre, et on prend un réel plaisir à voir Edouard
découvrir le feu, séduire la plus belle des primates (sa femme, Mélissa Theuriau), inventer la marche bipède, le baiser, le débat démocratique. Il est le pré-homme providentiel qui fait fi des Zemmour de mauvais augure et remet la pré-humanité sur le droit chemin du progrès social
. Et honnêtement, je dois reconnaître humblement que ce film d'animation est loin de la catastrophe pourtant évoquée et ressentie avec hargne par certains dans leurs avis. L'ensemble est plutôt le prétexte à voir la transformation de l'homme préhistorique, son adaptation, ses progrès et ses découvertes à travers l'œuvre et la vie de notre héros, petit homme déterminé, courageux et tolérant avec les autres. Cependant rien n'est bien sûr très sérieux, mais a le mérite d'être assez frais et subtil pour que le spectateur puisse prendre un certain plaisir ! Et donc bien loin sans doute de la farce espérée par les inconditionnels de l'acteur, cette réalisation est justement pour moi un bon signe et une heureuse surprise quant au scénario bien fichu, aux clins d'œil bienvenus et à une certaine ambiance pleine de joie et d'entrain qui rendent ces personnages attachants et qui donnent une bonne humeur communicative évidente ! Ce film crée la surprise avec un scénario complètement déjanté et inventif, avec un univers totalement loufoque et assumé. L'humour de Jamel Debbouze est réjouissant, festif. Il y a de bon gags de sa part. De nombreux clin d’œils et de références cinématographiques sont au rendez-vous comme les répliques de Louis de Funès, très savoureuses. Les musiques sont variées, et très agréables à entendre. Il y a beaucoup de rythme au sein du récit. Graphiquement, le long-métrage est impressionnant. Avec de très belles images, la technique est probante. Les décors sont pour la plupart magnifiques. Certaines scènes sont magnifiques, comme lorsque Edouard et Lucy la femelle singe admirent le soleil couchant illuminant un arbre. Il y a une relation très belle entre Edouard et son frère : alors que
le frère second du roi des singes, Vania, haïssait au départ son frère Edouard par jalousie et par influence d'une sorcière maléfique, il finit par apprendre de ses erreurs et de sa haine, par aimer son frère, l'accepter et le reconnaître; il lui sauve même la vie à la fin du film et les deux à la fin finissent par s'étreindre et se serrer dans les bras en s'appelant frères; Vania finissant même par dire à Edouard qu'il l'aime, et il s’excuse d’avoir voulu le tuer au cours du film
. Les personnages sont dans l'ensemble assez réussis et attachants, que ce soit le roi des singes, Edouard, Vania, Ian, Lucy... Seule la Sorcière maléfique
qui tente de tuer Edouard au début du film et qui tente de retourner le peuple des singes contre lui
est caricaturale au possible (digne d'une série B pour enfants), et elle a un rôle très secondaire, si secondaire au final que l'on peut mettre en doute son utilité dans le film; en plus elle connaît un dénouement typique (elle
meurt à la fin du film par orgueil et par punition pour ses cruelles actions
). Honnêtement cette histoire se serait clairement bien passée de méchant, et là on a l'archétype de la figure de la vilaine sorcière des contes pour enfants. Sinon le casting vocal est amusant et dynamique. Quelques blagues sont assez lourdes quand même, avec une mention particulière pour le running-gag pas vraiment drôle de "Non Ian, je ne t'épouillerai pas le huc" qui résume à lui tout seul ce que je reproche à ce film. Mais la réussite de "Pourquoi j'ai pas mangé mon père", c'est de s'amuser de la théorie de l'évolution tout en ayant un regard sur les mœurs actuelles de notre société. Ici, l'obscurantisme est chassé, on remet en cause les traditions et l'homme doit atteindre la pire des folies pour enfin se libérer de ses chaînes. Jamel Debbouze qui s'attaque à la caverne de Platon ? Peut-être, en tout cas on aime le croire tant les thèmes de ce film sont riches : racisme, intolérance pour la différence, dangers du pouvoir, tout ceci sauvé par l'amour et la solidarité, comment la force et la domination peuvent être rattrapées voire sauvées par l'inventivité, la solidarité et l'attention à son prochain. La thématique du pouvoir et la confrontation familiale rappellent immédiatement "Le Roi Lion", parfaite référence pour le genre. En revanche les messages de paix, d'amour, de tolérance et d'amitié qui sont chers à cet artiste qu'est Jamel (un acteur que j'aime vraiment bien pour ma part) passent toujours aussi bien car c'est ce qui est privilégié par ce dernier. On peut également penser au dessin animé "Les Croods" pour la ressemblance avec le propos du film. L'animation est plutôt bien léchée, ce qui m'a rappelé le style de "L'Age de Glace". Le film a été tourné en performance capture, technique qui permet de fusionner le jeu d’acteurs réels et des personnages créés en animation numérique. Ce n'est pas du niveau de Pixar ou de DreamWorks, mais ça reste correct. Le rendu visuel sur les singes est très bien rendu et cela donne un cachet esthétique particulier au film. Les expressions faciales sont très bien rendues et cela rend les personnages très expressifs. Sinon j'ai trouvé ce film assez sombre, assez dur, voire trash (l'introduction du film, très dure, nous montre quand même
un bébé rejeté par son père à cause de sa différence et condamné à mourir et qui va même voir sa main mutilée par des loups
). C'est aussi un film très drôle, avec une comédie bien écrite bien que très répétitive, cela en devient un peu lourd et tous les gags ne sont pas drôles non plus. Cela dit, le ton et l'humour de ce film font très bien passer la représentation de la théorie de l'évolution très personnelle dans ce film, mais drôle et instructive pour les plus jeunes. C’est donc un film assez ambitieux pour Jamel Debbouze, mais un film qui peut déranger le peuple frustré, conditionné, éloigné des valeurs contredisant l'individualité, le matérialisme, le jugement de l'autre. On y comprend la peur quand le peuple se bouscule, la curiosité portée vers la découverte de l'individu et de l'environnement. C'est un magnifique récit, hommage à l'Histoire inspirante. Ce film est une réussite, une référence pour le cinéma d'animation en France, un petit pas pour l'Homme mais un grand pas pour le cinéma français. Il dérange et dérangera les critiques cinématographiques et la classe moyenne mais séduira ceux qui creuseront l'analyse et ouvriront leur cœur à un cinéma rythmé, fort de messages, doué de finesse, et à l'initiative de poser un cinéma d'un nouveau genre dans un univers lointain, comme un poisson bleu dans un océan de poissons rouges. Bref, un film d'animation très touchant jouant sur la dualité entre la loi de la nature et tous les aspects de la civilisation humaine, avec pour thèmes principaux l'évolution des traditions, la peur de la différence et la possession du pouvoir par la crainte (représentée par la Sorcière maléfique) ou l'espoir (représenté par Edouard). C'est une ode à la tolérance et à la différence de chacun. C'est aussi un film pour enfants extrêmement intelligent, qui ne prend pas les enfants pour des imbéciles, et qui les éduque et peut les élever en terme de réflexion, d'esprit critique et de développement personnel, que les adultes peuvent aussi beaucoup apprécier car certains sketchs sont faits pour eux spécifiquement. A noter pour finir la bande-son groovy, fun et cool du film, particulièrement sympathique à entendre et qui est très divertissante. Un excellent film d'animation français en définitive et une magnifique réalisation pour Jamel Debbouze qui signe là un premier long-métrage extrêmement réussi et maîtrisé, très divertissant par ailleurs, à voir