Trop peu souvent cité lorsqu’on évoque la filmographie du grand John Carpenter (réalisateur, il est vrai, de films cultes comme "Halloween", "New-York 1997" et "The Thing"), "Fog" est, pourtant, à mes yeux, l’une de ses plus grandes réussites. En effet, sous ses airs de série B horrifique sans grande prétention, le film recèle un charme fou et démontre, une fois de plus, l’incroyable talent de Carpenter pour insuffler une ambiance particulière à son récit. La grande idée du maître, ici, est d’avoir choisi une ville portuaire typique des côtes américaines (avec ses falaises, ses plages, ses pontons, son phare, ses bateaux de pécheurs, ses maisons en bois…), ce qui confère à "Fog" une véritable identité visuelle (qui plus est originale, les films tournées dans ce genre de décors n’étant pas si nombreux que ça) mais, également, une impression d’isolement qui convient parfaitement à l’histoire. On se croirait, d’ailleurs, dans "Les Goonies" ou un épisode de "Chair de Poule" réservés aux adultes, soit une bouffée de nostalgie appréciable pour tous les fans du genre. Carpenter puise, d’ailleurs, allègrement (et à raison) dans le "folklore" inhérent à ce genre de ville portuaire, avec son économie locale fondée sur la pêche, ses habitants qui se connaissent tous, ses légendes urbaines à base de pirates sanguinaires et de navires échoués et, bien évidemment, sa météo brumeuse. Car, comme toujours, le réalisateur propose un pitch alléchant et, comme souvent, en tire le meilleur. Il n’était, pourtant, pas aisé de réussir le pari de faire peur au public avec… du brouillard ! Carpenter y parvient parfaitement et, plus généralement, réussit à styliser au maximum ses scènes horrifiques, que ce soit les plans sur la brume (filmée comme une menace intangible et, donc, incontrôlable), les moments d’obscurité où la seule luminosité vient du brouillard ou, encore, les apparitions des revenants. Le réalisateur évite, d’ailleurs, le piège du grotesque avec ces fantômes puisqu’il fait le choix payant de les laisser dans l’obscurité. On ne voit, donc, jamais leur visage…
à l’exception d’un plan fugace de vers rongeant une joue, pas forcément indispensable et, surtout, en décalage par rapport à la subtilité ambiante
. Ce parti-pris permet de rendre les revenants bien plus mystérieux et, donc, bien plus effrayants. Carpenter ne se cantonne pas, d’ailleurs, à une simple histoire de fantômes et densifie son scénario de révélations sur les raisons de la présence de ce brouillard
(avec une intéressante évocation du passé)
et de personnages plutôt bien écrits. Il accompagne, par ailleurs, son récit d’une mise en scène travaillée et d’une BO impeccable (qu’il a lui-même composée), ainsi que d’un casting de haute tenue. On retrouve, ainsi, Adrienne Barbeau en animatrice radio inquiète des découvertes de son fils, Tom Atkins en improbable héros à moustache, Jamie Lee Curtis en auto-stoppeuse poissarde, Janet Leigh en organisatrice de festivité ou encore Hal Hoolbrook en prêtre pénitent. Dès lors, que peut-on reprocher à "Fog" ? De paraître un peu vieillot aujourd’hui ? Il a bien mieux vieilli que bon nombre d’autres films de l’époque. De ne pas transcender son statut de série B ? Ce serait lui faire injure tant il cumule les trouvailles visuelles et ce serait oublier son budget serré. Je n’ai, donc, pas de reproches majeurs à faire à "Fog" et ne peut qu’inviter les fans du genre à le (re)découvrir… ne serait-ce que pour rappeler qu’il n’est pas nécessaire d’en faire des tonnes pour insuffler une certaine tension à un récit !