Avec sa première réalisation pour le cinéma, Tommy Lee Jones signait un film complexe, âpre et très personnel, qui à l'image de son personnage principal contourne vite une façade rigoriste pour dévoiler une grande part d'humanité. Un vieux cow-boy texan cherche à punir l'assassin de son meilleur ami clandestin, en emportant le tireur et sa cible à jamais inanimée dans un voyage mystique vers le visage natal du mexicain, pour lui donner une sépulture décente et réparer ce qui doit l'être. Dans la mise en place de cette chevauchée, Jones surprend en laissant la main à Guillermo Arriaga, connu pour avoir scénarisé avec un brio légèrement tape-à-l’œil le triptyque Amours Chiennes/21 Grammes/Babel d'Alejandro González Iñárritu. Trois enterrements reprend ainsi, pendant son premier acte, une structure en puzzle étonnante si on recherche un western, pertinente si on laisse sa chance au film de viser plus large. Car si outre ses manipulations trop visibles pour ne pas le rendre artificiel, le mode narratif d'Arriaga est si découpé qu'il rend difficile une prise d'ampleur du scénario, il possède quand même des avantages qui prennent ici tout leur sens. Pour une ouverture, je trouve en effet extrêmement efficace la capacité de ces séquences entremêlées à poser sans arrêt des questions par le flou qu'elle maintiennent et à ébaucher beaucoup des pistes de réflexion qui seront creusées par la suite. On commence alors à se confronter au propos social de Jones et son appel convaincu à plus d'empathie dans le rapport à l'immigration des états et des populations du sud des U.S.A. Dommage que dans le récit du meurtre viennent s'immiscer des notes manichéennes qui certes seront nuancées, mais témoignent d'un besoin de grossir le trait un peu agressif. Heureusement, la mise en scène, rigoureuse comme il faut, ne suit pas la tendance. Puis s'amorce un vrai basculement narratif quand le personnage de Jones retrouve le meurtrier et que leur chemin mystique commence, amorçant une sévère baisse de rythme. Car Jones se déleste d'un peu de pragmatisme pour faire virer le récit vers une confrontation aux accents subliminaux entre les deux hommes, avec eux-mêmes et aussi tous les enjeux du voyage. On perd donc un peu en efficacité immédiate sans pour autant gagner en impact, car j'ai trouvé que Jones sous-développe certains axes et peine à filmer les deux hommes de façon assez écrasante. Ce récit rétrospectif de loyauté et de rédemption se déroule donc sans trop lasser, mais peut laisser perplexe. Sans vraiment le racheter, la conclusion manifeste dignement toute son ambiguïté, de telle façon que je peux regretter certains choix de Tommy Lee Jones mais pas lui refuser le droit de s'y livrer. A la limite du western, du drame social et du chemin de croix spirituel, Trois enterrements témoigne d'une personnalité atypique malheureusement pas toujours à même de se communiquer. Indécis, j'attend vraiment The Homesman pour continuer de me faire un avis sur la carrière de metteur en scène du respectable Tommy Lee Jones.