Le Labyrinthe de Pan est franchement une merveille. C’est surement le film le plus abouti de Del Toro, dans le sens où il est ici entièrement libre de ses mouvements, portant plusieurs casquettes, de producteur à scénariste en passant par la réalisation bien sur.
Je commence par l’interprétation. Celle-ci est époustouflante. Ivana Baquero est impressionnante dans son rôle qu’elle porte avec une maitrise stupéfiante. Là si quelqu’un trouve à redire il est de mauvaise foi. Sa prestation vaut à elle seule le détour. Sergi Lopez est lui aussi en état de grâce, trouvant là un de ses meilleurs rôles. Son personnage est digne du nazi joué par Waltz dans Inglorious Basterds, et franchement Lopez n’est pas loin de Waltz, autant dire que c’est du très haut niveau. Clairement ces deux acteurs se distinguent, mais il serait quand même mal venu d’ignorer le reste du casting qui assure lui aussi avec une totale solidité. Maribel Verdu, Alex Angulo notamment sont remarquables. De ce coté là, il n’y a rien à reprocher au film.
Le scénario lui est magnifique. Doté de niveaux de lecture multiples, selon l’esprit de chacun, il reste clairement dans la réalité mais effleure de façon récurrente un univers onirique, aussi inquiétant qu’attirant. Del Toro arrive vraiment avec talent à ne jamais basculer complètement dans cet univers, maintenant continuellement le doute pour permettre justement au spectateur, de conclure lui-même. Original, jamais alambiqué contrairement à ce que j’ai pu lire (il suffit seulement de se laisser porter selon que l’on est rêveur, rationnel et dans un cas comme dans l’autre le scénario est d’une totale limpidité), il se conclue d’une manière puissante. Certains trouveront sans doute qu’il y a quelques longueurs. Il est clair qu’il ne faut pas s’attendre à un film ultra-rythmé, mais en prenant son temps Del Toro pose son univers, pose son histoire, et laisse aussi la dimension visuelle hypnotiser le regard. C’est bien.
Sur la forme justement Le Labyrinthe de Pan atteint une réelle perfection. La mise en scène est magistrale. Del Toro n’est quand même pas un novice, et là il le prouve totalement. Les cadrages, les déplacements de caméra, le travail sur les plans tout est millimétré. Pas d’esbroufe, juste une énorme précision, et l’affaire et dans le sac. C’est là la marque d’un maitre. La photographie est au diapason. Elle est éblouissante. Le travail sur les couleurs est merveilleux, une sommité dans son genre, celui sur les contrastes lumineux, le rendu des textures est non moins remarquable. Elle créée une ambiance envoutante, et happe littéralement le spectateur. Les décors ne sont pas en reste. Avec un budget somme toute assez bas (19 millions ce n’est absolument pas comparable aux 250 millions d’Alice au pays des merveilles de Burton par exemple!) le travail est sobre mais brillant. Del Toro a surtout le don pour typé ses univers, et du coup, sans des décors vertigineux mais toujours très caractéristiques, il est capable de faire merveille. Là c’est le cas. Une maison, d’abord, mais qui a une vraie personnalité. Cette demeure vie, ca bouge, ca s’agite, elle n’est pas simplement là pour encadrer les personnages. Le labyrinthe aussi, peu présent finalement, mais qui a une esthétique, et la forêt. Elle est utilisée avec intelligence. Bref Le Labyrinthe de Pan est sublime visuellement. Les maquillages atteignent une perfection et du fait de leur matérialité, sont nettement supérieurs à des images de synthèse. Del Toro a vraiment fait un choix brillant. Quant aux quelques fx, pas si nombreux en fait, ils ne soutiennent pas la comparaison avec les super-productions, c’est sur, mais au final, l’ensemble est tellement brillant que l’on ne s’attarde presque pas sur leurs quelques lacunes. Je termine comme à mon habitude par un commentaire sur la musique. La partition est superbe, envoutante, elle dégage de l’émotion tout en suivant les images avec brio. Que dire si ce n’est adresser un grand bravo à Javier Navarrete.
En somme, vous pouvez regarder La Labyrinthe de Pan en toute confiance. La critique presse et spectateur est en accord, et il n’y a pas anguille sous roche. C’est là un film magistral. D’une étonnante réalité et d’une fantaisie qui rappellera les bons souvenirs d’un Legend par exemple, c’est un métrage qui se distingue du tout venant. Génialement interprété, porté par une histoire transcendante, et maitrisé de bout en bout sur la forme, c’est un chef d’œuvre à mon sens. Quelques effets violents interdiront cependant le visionnage de ce film à un public trop jeune, et surement aux gens les plus sensibles. Il faudra par ailleurs adhérer à l’atmosphère sombre de l’ensemble, mais il s’agit là d’une question de goût, objectivement le film mérite 5 étoiles.