Avant de devenir un réalisateur de renom à partir d’Impitoyable, il arrivait à Clint Eastwood de faire quelques petits essais à droite à gauche, en reprenant souvent les genres qui ont fait de lui la célébrité américaine que tout le monde connait. Du western (L’homme des hautes plaines, Josey Wales, Pale Rider) au policier (Sudden Impact – Le retour de l’inspecteur Harry) en passant par le film de guerre / espionnage (Firefox). Et parfois il se permettait même de mélanger plusieurs de ces antécédents. Un mixage effectué sur ce film, Le Maître de Guerre.
Pourquoi je parle de mélange pour ce film ? Une fois que vous le regarderez, vous comprendrez car ça saute irrémédiablement aux yeux ! Le Maître de Guerre n’est autre que le célèbre inspecteur Harry qui nous fait son service militaire. Attention à ce que je dis : ce n’est pas un film avec Harry Callahan comme personnage principal. Plutôt un protagoniste qui suit les mêmes traces que ce nom emblématique de la filmographie de l’acteur. Tant par ses méthodes expéditives et son franc parler ponctué de répliques plus couillues les unes que les autres. Dès le début, ça ne loupe pas ! Nous retrouvons notre sergent en prison (pour abus d’alcool), en baston, balançant des paroles malsaines et insultantes qui font pleurer de rire. Et puis, les séquences de ce type vont s’enchainer jusqu’à la fin, où notre sergent est chargé d’entrainer un commando de jeunes recrues fainéantes à souhait. Et quand ce semblant d’inspecteur Harry prend les choses en mains, il faut dire que ça déménage ! Aussi bien pour ses élèves que ses supérieurs. Vous l’aurez compris, Le Maître de Guerre, c’est 2h de rigolades assurées par un Clint Eastwood en très, très grande forme. Adepte comme à son habitude de grimaces en tout genre et de réparties inattendues qui font mouche.
Seulement voilà, vous enlevez tout le ressort comique, il ne reste plus rien pour ce film. Même pas une histoire qui tienne véritablement la route pour intéresser. Soit un militaire qui se retrouve à entraîner des jeunots qui préfèrent ignorer toute subordination et couler paisiblement des jours aux frais de la princesse. Autant dire que si vous voulez des personnages travaillés, ce n’est pas avec un tel script que vous trouverez votre bonheur. Même pas un récit dramatique, qui ici se résume à une ancienne histoire d’amour (brisée parce que Monsieur préférait l’armée à sa vie) sans aucun intérêt. Autant dire que si Le Maître de Guerre n’avait pas son côté comédie, nous aurions eu affaire à un grand vide de 2h10 pro-militariste gerbant au possible.
Là je parle de 2h10 alors que quelques paragraphes plus haut c’était 2h. Eh bien tout simplement parce que les dernières minutes sont consacrées à une intervention militaire. Celle de l’assaut de l’île de Grenade en 1983. Où nos jeunes recrues vont enfin prouver leurs valeurs aux yeux de leur supérieur. Même là on pouvait espérer que cette nouvelle vision d’horreur bouleverserait les convictions du personnage de Clint sur le militarisme. Mais encore une fois, c’est le vide : ça ne fait que flinguer dans tous les sens, quelques uns tombent, la mission est un succès et retour au pays avec banderole, retrouvailles et fanfare. Comme happy end travaillé et qui sort de l’ordinaire, on repassera !
Mais surtout, la prise de Grenade se montre la séquence du film la plus ridicule qui soit ! De la part du futur réalisateur de Mémoires de nos Pères et de Lettres d’Iwo Jima (bon, il faut dit que Spielberg sera à la production aussi), s’en est presque honteux ! Je sais bien que Le Maître de Guerre se livrait sous le signe de la comédie, mais ce n’est pas une raison pour présentait une séquence militaire aussi gentillette qu’avec des Bisounours qui se balanceraient des bonbons à la figure. Mise en scène plate, manque de panache, nombre de victime qui se limiter à deux décès (si j’ai bien compté), aucune crasse dans les actions des militaires, aucun signe d’horreur ou de peur dans leurs regards… Comme si la guerre n’était qu’une activité de colonie de vacances !
À ce jour, Le Maître de Guerre reste sans aucun doute le film de Clint Eastwood le plus impersonnel qui puisse exister. Enfin, pas tant que ça vu qu’on y retrouve l’humour propre aux personnages de Clint. Mais cela ne suffit pas à rendre un film qui puisse susciter un quelconque intérêt. Ne manquait plus qu’une véritable trame pour obtenir une véritable œuvre digne de ce nom. Digne de Gran Torino (après l’armée, l’inspecteur Harry à la retraite !).