Qui a dit que le genre péplum était mort ? Pas Ridley Scott, en tout cas, avec son "Gladiator" ! Et voilà que pour son deuxième long métrage, Zack Snyder confirme lui aussi (à sa manière) que le péplum n’est pas mort. Encore faut-il bien le faire ! C’est justement le cas avec ce fameux "300", dont l’intrigue puise sa source dans le roman éponyme de Frank Miller, lui-même basé sur des faits historiques ayant eu lieu en 480 avant Jésus-Christ dans le défilé des Thermopyles. Pour parler de cette bataille particulièrement meurtrière, cela commence simplement par une présentation du titre comme si celui-ci avait été écrit plus ou moins à la hâte avec du sang. Ainsi la couleur est annoncée, et on commence déjà à mesurer la violence de cette bataille avec les projections d’hémoglobine qui entourent les 3 chiffres. Pourtant, les premiers instants prennent un caractère plus ou moins mythologique, avec en prime une narration en voix off qui ne manquera pas d’envoûter le spectateur (tout du moins pour la version doublée en français). Et si l’envoûtement se fait si efficace, c’est aussi grâce à l’ambiance sombre qui a été mise en place, qu’on peut aussi qualifier de fantasy. En ce qui me concerne, quand j’ai vu "300" pour la première fois suite à une vive recommandation, je me suis demandé au début ce que c’était que ce truc. Car ce péplum n’est pas un péplum comme les autres. Mieux : il le réinvente. Par ailleurs, on ne peut pas vraiment lui accorder le genre historique, en regard des libertés prises par rapport à l’Histoire. Ah ben tiens, l’Histoire. Parlons-en justement : quand on regarde "300", l’image est tellement soignée dans une esthétique visuelle de tous les instants, et les moments importants sont si bien immortalisés par les ralentis (le premier effet marquant est lorsque le messager est projeté dans le vide), qu’on a presque l’impression de feuilleter un grand livre d’Histoire. Le rendu est d’autant plus bluffant quand on sait que ce film a été intégralement tourné sur des fonds bleus et verts. Chaque plan comporte donc son lot d’effets visuels, et on s’y croirait vraiment, si ce n’était l’aspect synthétique (très certainement assumé) de l’hémoglobine. Oui, après s’être accoutumé au style qui fait de ce film un péplum original, après la séquence à caractère mythologique, et après les premières grandes effusions de sang, l’intrigue prend le pas sur tout le reste, à tel point que les effusions de sang en sont quasiment reléguées au second plan. Impossible donc de rester simple spectateur… Parce que le cinéaste pousse le vice jusqu’aux moindres détails : la bande son s’attarde sur les petits bruits de tension des arcs, la caméra s’attarde sur les perles de sueur qui courent le long du cou, on VIT cette bataille ! Tout comme les spartiates, on mesure l’ampleur de la tâche, on souffre, on espère, mieux : on y croit ! Admiratif devant cette détermination sans faille, le spectateur sera gagné par le courage indestructible de ce groupe d’hommes. Ce pouvoir communicatif est rendu possible par les acteurs, littéralement habités par leur rôle. A commencer par Gerard Butler, sans doute dans le meilleur rôle de sa carrière. Habité totalement par son personnage, il fait un beau et un sacré roi de Sparte, duquel se dégage une force indicible portée par la conviction du devoir d’une part, et d’autre part par une rage de vaincre. Une rage de vaincre magnifiquement trahie par ses dents entrouvertes rendues visibles par des rictus de souffrance et de détermination. Muni d’une superbe barbe, Gerard Butler a une sacrée gueule. D’ailleurs le casting réunit des gueules. Une profusion de gueules dotées de physiques hors du commun, pour nous donner des guerriers impressionnants avec leur corps d’athlète accompli. Avec tout ce que je viens de dire, vous me direz que "300" est donc un film typiquement masculin, où tout n’est qu’étalage de testostérone et de sueur au gré de ces combats d’un réalisme incroyable. Eh bien je vous rassure : aussi curieux que cela puisse paraître, le spectateur a aussi son lot d’émotions. D’abord parce que, comme je l’ai dit plus haut, on partage la cause de ces 300 spartiates. Ensuite parce que Lena Headey fait une belle reine, elle aussi très convaincante dans son rôle ; sans compter qu’elle amène un peu de douceur dans un milieu normalement réservé aux hommes, sans compter qu’elle nous amène une délicieuse satisfaction quand elle… euh vous verrez... Et enfin parce que "300" a son lot d’émotions : c’est le cas des adieux ô combien émouvants d’un roi à sa reine après une splendide scène d’amour stylisée dans le romantisme à l’état pur par l’intermédiaire d’un noir et blanc finement contrasté grâce à une belle maîtrise de la lumière ; c’est le cas aussi des cris effrayants d’un père ; et c’est le cas dans une moindre mesure des trahisons. Au gré d’un scénario qui ne se perd pas en longueurs inutiles pour nous amener à la bataille des Thermopyles, à moins de ne pas aimer son esthétique somme toute si particulière, on ne peut donc rester insensible à ce film, porté par une partition géniale de Tyler Bates… laquelle accompagne merveilleusement bien chaque moment du film, jusqu’à faire corps ensemble. Aouh !!! Aouh !!! Aouh !!! Ce film est un sacré monument du cinéma !!!