Ils sont vivants est à l'origine un projet de Marina Foïs, inspiré par le récit de Béatrice Huret, Calais mon amour. La comédienne, qui connaît Jérémie Elkaïm depuis le tournage de Polisse, lui avait parlé de cette adaptation. Ce sont ensuite les producteurs de Marina qui ont proposé à Jérémie de le réaliser :
"Mais il fallait que je sois sûr d’être capable de trouver ma place dans cette histoire. Il y avait des écueils potentiels : je ne voulais pas d’une bluette sur fond de crise des réfugiés, ni d’un film à thèse, désincarné, faux… Je redoute la bien-pensance facile."
"Quand j’ai compris que je pouvais traiter cette histoire de façon incarnée et intime, faire vivre les échanges de regard et l’attirance à fleur de peau des personnages, je me suis dit que ça permettrait de mettre le politique dans la chair et l’inconscient du film."
"Le fait que ce soit le désir charnel et l’acte sexuel qui unissent Béatrice et Mokhtar rend absurde et révoltante l’idée que les lois et les frontières les séparent. Cette puissance politique du désir et des corps m’a passionné", explique le metteur en scène.
"Oui, j’ai choisi cette phrase de dialogue comme titre. J’aime qu’on entende le titre dans la bouche de Béatrice à la fin du film. Il correspond à un désir profond pour ce film, que tout soit vivant, organique, dans tous les aspects. Et le travail de montage avec Laurence a lui aussi été organique. On aurait pu avoir des versions beaucoup plus longues. J’aime que l’on sente le temps dans un film. Mais même lorsqu’une scène est raccourcie je crois qu’on sent qu’elle existe au-delà de la coupe, la sensation reste."
Ils sont vivants est le premier long métrage réalisé par Jérémie Elkaïm, qui confie : "Je tenais par-dessus tout à l’incarnation. L’incarnation des personnages, des deux principaux aux plus petits. L’incarnation des lieux. J’adore Sidney Lumet mais j’aurais du mal à dire quel est son style. Je crois qu’il est avant tout au service des histoires qu’il raconte, et ce côté artisan me plaît assez. Dans Ils sont vivants, parfois on filme à l’épaule, dans le dos des personnages, parfois les plans sont plus posés, mais je voulais que ce soit organique, vivant."
La jungle de Calais a été démantelée et la mairie de la ville ne veut plus que cet endroit (aujourd'hui désert) soit utilisé pour des tournages. Jérémie Elkaïm et son équipe ont donc fabriqué un lieu qui ressemble à la jungle, et ont fait appel à des gens qui l'ont réellement connue (et qui ont désormais leurs papiers) pour jouer dans le film.
"C’était une aventure de les rencontrer, ça m’a transformé, j’étais déjà sensible à cette question, je le suis encore plus depuis ce tournage. Le jeu de chat et de souris entre migrants et policiers continue à Calais et ailleurs, ce qui est terrible car les conditions sont bien plus âpres qu’au temps de la jungle", se souvient le réalisateur.
Pour le rôle de Mokhtar, Jérémie Elkaïm a rencontré beaucoup d’acteurs avant de trouver Seear Kohi. Le metteur en scène se souvient : "Ce qui m’a touché, c’est sa capacité à mettre en jeu son corps. Son regard, sa présence étaient émouvants. Il y a eu aussi une alchimie entre lui et Marina : on croit au fait qu’ils puissent avoir du plaisir ensemble. Seear dégage une séduction naturelle, ce qui était important pour ce rôle. Il a un rôle récurent dans Homeland. Il a des facilités en anglais ce qui comptait aussi pour ce rôle."
Jérémie Elkaïm voulait que son film soit très physique et sensuel. Il a ainsi poté pour des prises très longues et a octroyé une grande liberté aux acteurs : "L'idée c’était de trouver une vérité en laissant le temps aux choses d’émerger pour ensuite ne garder que quelques morceaux. Dans ce dispositif, les comédiens se sont montrés extraordinaires. Et Marina particulièrement bouleversante d’abandon. Couper dans ces morceaux de vie est devenu parfois un crève-cœur. Sur certaines scènes, on aurait pu garder des plans d’un quart d’heure tellement les acteurs ne lâchaient rien. C’était du concentré de vivant", confie le cinéaste.