Béatrice a quarante-quatre ans. Aide soignante dans un hôpital gériatrique, elle vient de perdre son mari, employé de police violent, alcoolique et volontiers raciste. À Calais, ni lui, ni elle ni les autres policiers qui l’assurent de son amitié ne portent dans leurs cœurs les réfugiés qui s’entassent dans la « jungle » dans l’attente d’un hypothétique passage en Angleterre.
Une succession de hasards conduit néanmoins Béatrice à secourir un réfugié, à apporter de vieux vêtements au camp, à accepter d’y travailler bénévolement et même à recevoir chez elle quelques réfugiés. Parmi eux, Mokhtar, un Iranien, l’attire irrésistiblement
Il y avait bien des dangers à transposer à l’écran "Calais mon amour", le témoignage de Béatrice Huret, une Calaisienne tombée amoureuse d’un migrant iranien et condamnée en 2017 pour aide au séjour irrégulier d’un étranger en France. Le premier : verser dans la bluette amoureuse. Le deuxième : le recours un peu trop racoleur aux bons sentiments censés inspirer l’injustice faite aux migrants. Le troisième : que l’histoire et ses rebondissements nous soient déjà connus d’avance.
Jérémie Elkaïm, dont le charme primesautier fait depuis longtemps merveille devant la caméra surtout quand il est filmé avec le regard énamouré de Valérie Donzelli, ne les évite qu’en partie dans sa toute première réalisation. "Ils sont vivants" n’est pas sans défaut, à commencer par son titre lourdement démonstratif ("Calais mon amour" – dont "Ils sont vivants" ne dévie guère – aurait fait un titre plus fidèle).
Mais il est sauvé par l’interprétation extraordinaire, toute en subtilité, de Marina Foïs. Elle ne campe pas une pasionaria droitsdelhommiste, une pieta qui viendrait au secours de toute la misère du monde (la soi-disant pieta jouée par Laetitia Dosch en prend plutôt pour son grade). Elle décoche dans les premières minutes du film quelques répliques à faire se pâmer les zemmouristes les plus enragés – et il n’est pas certain qu’elle ne les décocherait pas non plus à la fin.
Mais, entretemps, l’amour la transfigure. Rien de niaiseux dans cette transfiguration. Au contraire, l’expression d’une attirance sexuelle, d’un désir qui ne mâche pas ses mots – même si l’absence de langue commune à Béatrice, qui ne parle pas l’anglais, et à Mokhtar, qui ne parle pas le français, les empêche de communiquer. On trouve dans Ils sont vivants une scène de sexe particulièrement explicite (bien que le film soit classé « tous publics ») et parfaitement réaliste.