Ce qu’il y a de bon quand tu reçois un choc cinématographique violent, c’est de re-visionner le film en cherchant le truc et ne pas le trouver. Moralité, c’est pas à un vieux de la vieille comme Friedkin qu’on va apprendre à faire la grimace et à jouer la musique, il peut même te donner à voir des choses que tu ne pensais pas pouvoir voir. On assiste à un drame classique qui se transforme sous nos yeux en délire paranoïaque, sans bons ou méchants pour sauver la face et les apparences, du jamais vu. Superbe descente aux enfers de deux personnages, je suis obligé de dire superbe, dans un labyrinthe mental qui tient de la théorie du complot et une grande dose de folie pure, qui enfle comme un leitmotiv sadique et surpuissant. Ce serait presque anecdotique s’il n’y avait pas la mise en scène sans faille du maître, et une Ashley Judd en état de grâce, qui nous livre là sa meilleure prestation d’actrice, (Oscar! quoique c'est assez un oscar).
Huis clos claustrophobe que n’aurait pas renié Jean-Paul Sartre, qui se transforme en trio infernal, (les mecs ne sont pas à la fête, il n’y en a pas un pour rattraper l’autre), et même si le personnage de Judd est en pleine dérive existentielle, il y en a deux qui n’auraient jamais du se rencontrer. Ils s’enfermeront de plus en plus dans leur délire profond, se calfeutrent, coupent le téléphone, la radio, et ne sont pas loin de ressembler aux protagonistes des « Oiseaux » d’Hitchcock. Et l’ennemi ce n’est pas des oiseaux, mais des parasites invisibles, la guerre en Irak, et le gouvernement américain, qui se sert de nous, et manipule tout le monde. Arriver à nous tenir en haleine avec en apparence si peu de choses à l’écran, ça mérite le respect. Chaque plan une idée, savamment distillée, et carrément minimaliste. Le gros plan sur le soignons rouges dans le supermarché superbe ellipse qui revient à la fin, je ne peux en dire plus, il y a des choses qui se voient plus qu’ils ne se décrivent.
À un moment on sait plus qui est dingue ou qui ne l’est pas, si c’est l’un qui entraîne l’autre, ou s’il a seulement servi de déclencheur. La chute est inexorable et sans retour possible, et la lumière devient purement mentale, artificielle, et la situation absurde qui tient debout jusqu’à la catastrophe. Où est le vrai, où est le faux ? Ne sommes nous pas tous des cobayes aux mains de gouvernement ? Et si on se pose ce genre de questions, c’est qu’on est dans la toile d’araignée qu’a tissé Friedkin, la vérité est évidente, sous nos yeux, mais on participe malgré nous au trip de malade, avec une fin à forte dominante cathartique. Enjoy!
Cultissime, je dis bien, cultissime !
Ps: Dans la version française, le doublage d'Ashley Judd est à chier.