En 1972, durant les Jeux Olympiques de Munich, un commando palestinien de Septembre Noir prend en otages onze athlètes israéliens. Très mal gérée par les Allemands, la crise se solde par le massacre des otages. Des Juifs tués en terre allemande, la nouvelle crée une émotion considérable en Israël. Le premier ministre, Golda Meir, décide alors de former un commando de cinq hommes qui aura comme mission de retrouver et d’exécuter en Europe les onze Palestiniens jugés responsables de la prise d’otage. Avner est désigné pour diriger l’opération. Ses hommes et lui doivent abandonner patrie et famille, et peuvent compter sur un financement inépuisable pour mener à bien leur mission.
Pour retrouver les cibles, Avner doit composer avec différents informateurs, dans un milieu où tout s’achète, et où tout le monde renseigne tout le monde. Chaque exécution s’avère plus compliquée que prévue (le retour d’une petite fille, une charge explosive trop puissante, la présence d’agents russes ou américains). Mais surtout, le doute s’installe sur la légitimité de faire appel aux mêmes moyens que ceux utilisés par l’ennemi. Pourtant, ils continuent, de Rome à Beyrouth, de Paris à Londres. Jusqu’au jour où de chasseurs, ils s’aperçoivent qu’ils sont à leur tour devenus des proies…
Steven Spielberg tourne beaucoup, sans doute trop. A côté de véritables réussites («La liste de Schindler», «Minority Report»), il commet des films plus anodins («A.I.», «Terminal»), voir carrément ridicules («La Guerre des mondes»). «Munich» commence par le début de la prise d’otage, vu du point de vue des Palestiniens. Puis une savante imbrication d’images d’archives et de reconstitutions nous déroule la crise en accéléré. Car le film commence réellement à Tel-Aviv, quand Golda Meir convoque Avner pour lui proposer la mission.
Pourtant, les différentes scènes de Munich viennent ponctuer tout le film sous forme de flash-backs, histoire de redonner du sens à une opération qui s’embourbe dans le quotidien de la mise à mort, et pour Spielberg, de répondre d’avance à la critique israélienne d’accorder trop de poids au point de vue arabe. Jusqu’à la scène finale, très décriée, où le montage montre en parallèle Avner faisant l’amour et l’exécution des athlètes, Eros et Thanatos résumé par Hollywood.
Dans son interview à Télérama, Spielberg déclare «En tant que Juif, j'ai été élevé dans l'idée que la plus grande forme du Bien, selon le Talmud, c'est de soulever des questions.» La question de la légitimité de la vengeance, bien sûr. En nous montrant leur première victime, traducteur des Mille et une Nuits en italien, qui explique dans une conférence «Je m'intéresse au lien entre la narration et la survie» (le propos de Spielberg à travers de nombreux films…), il nous présente d’emblée les cibles comme des êtres humains, avec des richesses insoupçonnées. Et le deuxième est un bon père de famille, soucieux de l’éducation de sa fille…
Quand la bombe qu’ils ont placée sous le lit de l’une de leurs victimes ravage tout un étage de l’hôtel, faisant des victimes innocentes, Spielberg ne pose-t-il pas aussi la question du mythe des frappes chirurgicales ? Et comment interpréter le dernier plan du film, à New York où Avner refuse de revenir en Israël, avec les tours du World Trade Center en arrière plan, comme une amorce de la guerre de revanche à venir ?
Alors certes, comme souvent, Spielberg use et abuse de certains effets narratifs (la fausse piste) ou esthétiques (les ralentis, les images Davidhamiltonniennes…), avec une représentation de l’Europe qui empeste l’album de clichés (le marché sur le Pont de l’Alma, la place Montmartre, la terrasse de trattoria à Rome, Londres sous la pluie…). Mais la sincérité de son interrogation porte le film, et son indéniable maîtrise technique en fait une œuvre somme toute attachante.
Addenda :
Après une bonne nuit de sommeil (et je m'étonne de me réveiller avec la migraine...), je pense qu'il y a aussi une lecture possible de "Munich" : celle de la métaphore du cinéma. Comme dans "Jurassic Park", où Spielberg nous racontait l'histoire d'un type qui se vantait d'avoir "dépensé sans compter" (le rêve de tout réalisateur, le cauchemar de tout producteur, les deux casquettes de Spielberg) pour déboucher sur une catastrophe, "Munich" peut se lire comme une façon déguisée (et peut-être inconsciente) de raconter la difficulté de faire un film...
Là encore, pas de souci de financement (les comptes en Suisse étant réapprovisionnés à l'infini - à condition de ramener les factures...), mais toutes les difficultés du montage du projet : la composition de l'équipe serait le casting, la localisation des cibles serait l'écriture du scénario, les imprévus des opérations seraient les contraintes du tournage, et la solitude et les doutes d'Avner renverraient aux affrres du réalisateur Spielberg...
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