Depuis le succès inattendu et phénoménal de l’étonnant "Kirikou et la sorcière", Michel Ocelot prouve à chaque nouvelle aventure qu’il est toujours aussi inventif. Avec "Azur et Asmar" il use pour la première fois de l’image de synthèse. Entre 2D et 3D, il narre les aventures de deux frères de lait, le blond Azur, le brun Asmar en Europe puis en Afrique et en plein cœur du Moyen-Age. Du décor dessiné aux personnages animés, le thème de la fraternité est d’une telle touchante simplicité qu’on se plaît à croire, pour une fois, à la princesse des Djinns. Les préoccupations thématiques du cinéaste se retrouvent ainsi très rapidement : du sortilège qui emprisonne le bonheur à l’importante tradition orale, la bonté, non dénuée de ruse, mais ruse toujours malicieuse, a raison de la perversité des hommes. Comme Kirikou, Azur est tour à tour naïf et subtil et s’il croit à la princesse des Djinns, il ne saurait en être autrement. Et pour trouver les trois clés qui mènent à elle, il use de tous ses sens pour y parvenir. Et là réside une des forces du travail de Michel Ocelot : ne jamais laisser ses personnages animés sans aucune sensation : le toucher, l’ouïe, la vue, le goût, l’odorat, le cinéaste articule son histoire autour des cinq sens. Le monde est à découvrir mais c’est bel et bien le corps qui le découvre et pour parvenir à la princesse, une princesse légère et sans attache terrestre, le blond Azur doit se découvrir lui-même et s’attacher aux plaisirs plus prosaïques (du couscous au marché aux épices). Le sortilège qui emprisonne la jolie princesse éclate avec une réelle ironie lorsque Azur et Asmar apprennent que la gente dame a fait le choix de son prince et que pour gagner son cœur, il fallait aussi qu’elle aime. Les épreuves traversées n’étaient donc qu’un jeu. Les ballades et les chansons déclinent à leur tour l’histoire : la tradition orale et cette référence explicite aux contes des Mille et une nuits rappellent les contes africains qui bercent Kirikou. De même, le style d'Ocelot est reconnaissable de suite : la silhouette élancée des personnages, l’utilisation récurrente d’ombres chinoises, le dentelé des ornements architecturaux inspiré des miniatures persanes, jusqu’aux Djinns. Ce souci de rendre en détail bijoux, fleurs, jardins, assure un vrai équilibre aux personnages si lisses d’Azur et Asmar. L’étonnante vision d’un palais dessiné en noir et blanc et seulement en noir et blanc montre et démontre la virtuosité de ces animateurs venus de tous les pays pour dessiner Azur et Asmar. Et ce choix de transposer le conte dans un pays arabe se retrouve évidemment dans la richesse d’une architecture fascinante et qui accuse le brio, dans le choix également de ces femmes qui peignent leur visage, leurs mains, dans cette abondance de couleurs qui ne saurait être inventée. C'est ainsi que ce film d'animation est vraiment pas mal, même s'il reste extrêmement ennuyant