Petit poucet absolu dans le paysage audiovisuel français, « Quand la Mer Monte » a tout du film pauvre. Pauvre en budget car tourné avec trois francs six sous par deux réalisateurs débutants (dont la Yolande des Deschiens) ayant sans doute eu du mal à boucler un cahier des charges pourtant peu élevé. Pauvre car filmant des pauvres, sans le sou ou pauvres types, des gens paumés dans un Nord de la France parfois touchant mais bien peu ragoûtant. Et pourtant, ce film a conquis une bonne partie des spectateurs français, a emballé une critique qui aujourdhui ne prend plus de grand risques, et sest même offert plusieurs César-surprises (quand on voit que « Rois & Reine » a été quasiment ignoré et que le chef duvre « A tout de suite » nétait même pas nommé une fois, cest à pleurer). Incontestablement, « Quand la Mer Monte » fut, aux côtés de « LEsquive », le succès surprise de 2004. Yolande Moreau y interprète une actrice, Irène, rôle très proche de ce quelle semble être dans le monde réel, en tournée one-woman-show dans le Nord de la France. Dhôtels miteux en salles remplies de grabataires, de Valenciennes à Béthune, elle donne vraiment limpression de semmerder
Puis, au détour dun bar miteux ou dun parking de supermarché, elle rencontre Dries, une sorte de clodo lunaire qui na pas encore très bien compris ce quil foutait sur cette Terre. Irène, actrice paumée sil en est, va voir en lui quelquun de sa famille. Comme deux animaux sauvages, ils vont lentement sapprivoiser, sapprécier, puis saimer. Voilà. Cest pas grand-chose, mais ça ressemble pour beaucoup à la vie quon peut avoir dans ce genre de no mans land. Chaque geste quotidien, chaque banalité, chaque personne croisée au détour dun chemin peut, telle une étincelle, illuminer un instant de vie. Et cette étincelle, aussi fugitive soit-elle, perdura à jamais dans ces curs déshérités.