L'Histoire du chameau qui pleure est coréalisé par Byambasuren Davaa et Luigi Falorni. Née en 1971 en Mongolie, la première débuta comme assistante de réalisateurs à la télévision nationale puis étudia le droit international et le cinéma en Mongolie, avant d'intégrer l'école de cinéma de Munich dans la section documentaire. C'est la qu'elle fait la connaissance de Luigi Falorni, chef-opérateur italien qui a auparavant suivi des cours de mise en scène à l'école de cinéma de Florence.
La cinéaste est convaincue de l'efficacité du rituel décrit dans son film, et selon lequel la musique permet de réconcilier la chamelle et son petit. "La musique et le chant les aident réellement", estime-t-elle."Depuis que j'étudie ce sujet, je n'ai jamais rencontré de cas où ce rituel ait échoué. J'ai interrogé de nombreux nomades, et tous m'ont dit la même chose. Cela marche toujours. Dans le cas que nous avons filmé, cela a pris une journée. De vieux nomades m'ont parlé d'autres cas qui avaient pris plus longtemps, quelques jours. Chaque chameau est différent."
Si le rituel dont il est question dans le film était courant à l'époque des grands-parents de la cinéaste, celle-ci confie qu'elle a découvert cette pratique "à travers un film qu'[elle a ]vu au début des années 80, au sujet d'une chamelle qui répudiait son petit." Elle poursuit : "C'était une projection organisée pour l'école. Ce film m'a paru magique. Plusieurs enfants ont pleuré en le voyant, mais je crois que je suis celle qui a le plus sangloté. J'étais si malheureuse pour ce bébé chameau ! Ce film est resté gravé dans ma mémoire. Et chaque fois que j'entendais parler du désert de Gobi, je voyais les images de ce film, qui ne m'ont jamais quittée."
Le co-réalisateur revient sur la répartition des rôles avec Byambasuren Davaa et sur les contraintes de ce tournage en plein désert : "Byambasuren s'est occupée des nomades, elle communiquait avec eux et les dirigeait. En plus du travail sur l'image, j'organisais le plan de travail de chaque jour en fonction de ce que nous avions pu filmer la veille (...) Comme tous les chameaux accouchent durant un seul mois, au printemps, nous ne disposions que de quelques semaines pour tourner le film (...) Des vents de 150 km/h, des températures qui chutent de 30° la nuit, des conditions de vie et d'alimentation très inhabituelles... Nous n'avons pas eu le temps de nous ennuyer. Chacun des six-membres de l'équipe est tombé malade, on a cassé du matériel, souvent le vent rendait les prises inaudibles (...) Quand le tournage s'est achevé, nous avons passé tous ensemble une longue nuit mémorable, à boire de l'alcool de Mongolie et à chanter des airs mongols et italiens jusqu'à l'aube."
Luigi Falorni donne des précisions sur le statut du film, à mi-chemin du documentaire et de la fiction : "Je pense que le terme le plus exact est celui de "documentaire narratif". Il y a des éléments de fiction, à l'intérieur des structures d'un documentaire familial. Nos héros sont de vrais nomades du désert de Gobi qui "jouent" devant les caméras les fonctions qu'ils occupent dans la vie de tous les jours. Les actions principales du film : l'accouchement, le rejet, le rituel, se sont déroulées telles qu'on les voit dans le film. Mais quelques actions subsidiaires (...) ont été re-joués devant la caméra, essentiellement pour donner au film sa fluidité. Les films qui nous ont inspirés à oser ce mélange sont ceux de Robert Flaherty."
Séléctionné dans de nombreux festivals, L'Histoire du chameau qui pleure a notamment récolté le Prix du public au Festival de Karlovy Vary et le Prix de la Presse internationale au Festival de San Francisco.