Pour les Français, le Cid évoque la pièce éponyme (1637) de Pierre Corneille (1606-1684) et ses vers célèbres : « Rodrigue, as-tu du cœur ? (Acte I, scène 5), « Nous partîmes cinq cents ; mais par un prompt renfort, nous nous vîmes trois mille en arrivant au port », « Va, je ne te hais point » (Acte III, scène 4) ainsi que l’interprétation de Gérard Philipe (1922-1959) dans le rôle de Rodrigue en 1951 au T.N.P., dans une mise en scène de Jean Vilar (1912-1971). Les cinéphiles retiennent la version américaine (1961) d’Anthony Mann avec Charlton Heston et Sophia Loren dans le rôle de Chimène. Pour les Espagnols, c’est un personnage historique qui s’appelle Rodrigo Diaz de Vivar, d’abord au service du roi Sanche II de Castille (qui a succédé, en 1065, à son père Ferdinand Ier) puis, en 1072, d’Alphonse VI, roi de León (et frère de Sanche II) puis de Castille. Banni de Castille en 1082, il est contraint à l’exil et se met au service de Yusuf Al-Mutaman, émir de Saragosse (issu des Almoravides, dynastie berbère qui règne depuis la Mauritanie jusqu’au sud de l’Espagne) et s’empare de Valencia en 1094. Il s’agit donc plus d’un mercenaire tandis que la légende en fait un héros national, acteur de la Reconquista (722-1492). Le film, comme le titre l’indique, raconte la légende [qui seule « doit être imprimée quand elle est plus belle que la réalité », selon John Ford dans « L’homme qui tua Liberty Valance » (1962)]. On y retrouve le style des films d’animation Disney des années 1980’ (il a couté 10 millions € et a fait appel à de nombreux studios dont chinois) mais les personnages n’ont pas leur élégance, avec des corps difformes, aux gros membres et à la petite tête anguleuse et dont il n’est pas toujours facile de distinguer les visages masculins (heureusement Rodrigue est roux) tels Sanche et Ordonnez ; il n’y a que 2 personnages féminins, Chimène (Jimena) et Urraca, sœur d’Alphonse VI (Alfonso). Pour ne pas heurter les sensibilités,
Rodrigue n’a pas tué le père de Chimène, le Comte Gormas
. D’où un film assez terne, pimenté par la présence du méchant et cruel Ben Yousuf, borgne (œil gauche), et l’adjonction d’un blaireau (sic), partenaire de Rodrigue et de ses amis.