C’est une véritable œuvre d’art que nous offre Émir Kusturica. Ce film est d’un poétisme extraordinaire et d’un symbolisme sans nom sur le rêve et la désillusion, ou plus précisément la désillusion du rêve américain. En effet on s'intéresse à une vieille maison isolée d'Arizona, au antipode de l' "American Dream", d'où l'ingénieux titre "Arizona Dream" je suppose. Pour bien appuyer cette thématique les premières images portent sur un rêve d’esquimaux venant tout droit de l'imagination de notre personnage principal Axel, d’où s’échappe d'ailleurs le fameux poisson qui nous guidera tout au long de ce fabuleux récit au rythme de la merveilleuse musique aussi belle que décalée d’Iggy Pop et Goran Bregovic « In The Death Car » reflétant, à mon sens, parfaitement la folie de Kusturica. Ce film est un concentré de scènes fortes en émotion, passant aussi bien par le rire que par la tristesse, voire même la peur et la colère. Tout d'abord avec de nombreuses scènes hilarantes et dénuées de sens comme le dîner culte plutôt mouvementé chez Grace et Elaine, et toutes les puissantes scènes violentes ou tragiques. Cette émotion est d’autant plus forte quand elle est appuyée par la douce musique incroyablement émouvante « Dream » qui semble sortir tout droit d’un jolie rêve. On suit dans ce film la transition du jeune homme inexpérimenté et vierge de toute expérience qu’est Axel vers l’homme, une transition symbolisée par toutes les imitations de poule folkoriquement interprétées par Johnny Depp. En découvrant la vie, et surtout l’amour, il y découvre toutes ses nuances en étant à la fois amoureux d’Elaine et de Grace, on pourrait même voir cette aventure comme un parcours initiatique menant Axel vers d'avantage de maturité. Puis finalement le film finit comme il a commencé, par le rêve d’esquimaux d’Axel pouvant laisser penser qu'il a gardé de son innocence et qu'il demeure le même, tout en laissant de la place à son oncle Léo. C’est une histoire tellement déroutante et d’une grande tristesse. Cette noirceur est dissimulée derrière toutes ces scènes absurdes et ces personnages plus perturbés les uns que les autres, éveillés par des rêves fantasmagoriques comme l’envie de voler, de se réincarner en tortue ou même d’empiler des Cadillac jusqu’à la Lune. Et c’est ce qu’il y a de touchant et de fort, les personnages sont tous très poignants et uniques. En effet j'ai vraiment adoré cette réalisation principalement pour cette raison, la profondeur et la tristesse des protagonistes, surtout Grace qui m’a beaucoup boulversé, magnifiquement interprétée par Lili Taylor. Faye Dunaway est aussi extraordinairement touchante, puis fidèle à lui même, Johnny Depp est comme à son habitude génialissime. Pour finir on ne peut que d’avantage apprécier et saluer le talent de l’artiste serbe en sachant que beaucoup de scènes du film n’étaient pas sur le scripte et ont été rajouté au fur et à mesure du tournage, par Émir lui même ou par des suggestions de Johnny Depp. Comme par exemple l’histoire d’amour entre Grace et Axel ou l’histoire de la poule. En bref, cette réalisation met en avant le côté artistique du cinéma, au même titre qu’une peinture ou qu’une sculpture, et c'est magnifique.