On craignait la nausée, le ras-le-bol du rollercoaster, le trop-plein de singeries du Capitaine Jack Sparrow et de sa clique. Comme un touriste gavé au cocktail saucisse-onion-chichi passé trois fois de suite par l’attraction Walt Disney du même nom, on se disait que Pirates de Caraïbes, trilogie de tous les records d’entrées en salles, commençait sérieusement à tirer sur la longueur. Pourtant, en soulevant la barre de sécurité (celle qui interdit de trop se poser de questions sur les enjeux financiers d’une telle machine) à la fin de l’attraction, on ne peut le nier : on s’est bien marré. " Pirates des Caraïbes ", troisième du nom, est une réussite dans son genre : près de trois heures d’un spectacle titanesque, aux effets spéciaux énormes, trépidant, entraînant.
Ce déballage d’exploits pyrotechniques et digitaux séduira sans coup férir les amateurs d’actions et les enfants (qui ne supporteront peut-être pas certaines scènes, légèrement violentes). Si quelques décors font sérieusement cartonnés, les batailles navales sont, elles, grandioses, la dernière marquant l’apothéose du genre, combat final entre le Hollandais Volant et le Black Pearl, tout deux aspirés dans un maelström. Néanmoins, si le film se limitait à ces coups d’éclat, on serait vite assommé par les musiques pétaradantes et les hurlements de pirates en tout genre. Non, ce qui plaira aux adultes, c’est tout le reste.
" Pirates des Caraïbes 3 " n’est pas une merveille d’humour raffiné. Il enchaîne les gags et les drôleries premier degré, mais nous aurions tort de nous en plaindre. On rira volontiers aux exploits du petit singe de Barbossa et aux bêtises des Laurel et Hardy du Black Pearl, un borgne et un trapu déjà présents dans les épisodes précédents. On s’amusera aussi des cabotinages incessants de l’ensemble des acteurs, Geoffrey Rush en tête. On sourira peut-être aux histoires de cœur de Will (Bloom) et Elizabeth (Knightley), pourtant le talon d’Achille guimauve du film, sans aucun intérêt mais malheureusement nécessaire à la cohérence du scénario. Mais le plus fort, c’est Johnny Depp. On l’a déjà dit, mais cette fois-ci, dans ses bottes de Jack Sparrow, il dynamite le film. Même pas personnage principal, en complet décalage avec l’histoire, totalement halluciné, il navigue en mer parallèle, devenu schizo, mort et ressuscité. On comprend les inquiétudes de la production, Depp semble en vouloir au film, et le ruiner du début à la fin (la scène où il apparaît, totalement sous ecsta, est surprenante). Pourtant, bouffon génial, cabotin au delà du cabotinage, acteur possédé, il fait bien plus. Il invente un nouveau genre : le blockbuster qui, en se sabordant en permanence, fait un carton mondial.