Avec "Pirates des Caraïbes : la malédiction du Black Pearl", la surprise avait été de taille en faisant renouer le genre avec la popularité. Entre l’original capitaine Jack Sparrow, des personnages à la fière allure pour les uns et loufoques pour les autres et à la sacrée gueule encore pour d'autres, un brin de fantastique pour donner corps aux légendes rythmant le monde des pirates, des aventures dignes de véritables loups de mer, et un savoureux mélange de fantaisie et d’humour, il fut impossible de résister à l’abordage sonné par ces maudits pirates. Disney peut désormais compter sur son attraction dans ses parcs, et aurait même peut-être pu en rester là, à se frotter les mains de cette formidable promotion. Seulement voilà, il y a un hic : qu’allaient faire les studios de la scène post-générique qui clôturait le générique de fin, fût-elle très courte ? D’autant plus que l’effet de surprise est passé et qu’on ne peut plus y compter dessus. Mais de l’autre côté, il y a eu un tel engouement auprès du film et une telle sympathie à l’égard des différents personnages, que la firme aux petites oreilles rondes décida aussitôt de modifier son film unique en trilogie. Après tout, si on y réfléchit bien, les pirates voguent d’aventure en aventure, peuplées de combats à la recherche de larcins clinquants entre deux bouteilles de rhum. Et quel plaisir de retrouver toutes ces bouilles trois ans après leurs premières aventures. Trois ans… trois années qui ont paru une éternité. Dans les faits, nous retrouvons l’équipage du Black Pearl deux ans après. Le vaisseau est débarrassé de sa malédiction et a retrouvé des voiles dignes de ce nom. C’est presque dommage, les voiles en lambeaux lui donnaient un air beaucoup plus inquiétant, voire terrifiant. Mais le spectateur retrouvera toutes les recettes qui ont fait le succès du premier opus : un casting au top, des effets visuels de folie, une B.O. mondialement connue dont on a tous fredonné un jour le thème principal mais enrichie de quelques titres intéressants (scène de l'orgue), avec en prime une quête hors du commun pour laquelle auront lieu des combats épiques et parfois drôles. Drôles parce que ça tourne quand même un peu à du n’importe quoi mais c’est tellement jouissif. Bon soyons honnêtes, ce deuxième opus est tout de même un peu en-dessous du premier. La faute à une première heure un peu moribonde (quoique le terme est un peu fort, tout comme "laborieuse" l’aurait été), pourtant bien menée dans le sens que je ne vois pas comment elle aurait pu être réalisée différemment. Mais on sent que ça met du temps à démarrer, malgré une entrée en matière plus que convaincante servie par Lord Cutler Beckett, interprété par un Tom Hollander visiblement très inspiré à la fois par une sombre ambition et par la froideur calculatrice totalement dénuée de sentiments qui caractérise son personnage. Pour faire court, les 20 premières minutes sont très immersives ; ensuite on subit un léger flottement durant une quarantaine de minutes, rendant la première heure dans son ensemble un peu longuette, du moins jusqu’à l’apparition du tentaculaire Davy Jones. A partir de là, le chrono s’accélère subitement pour atteindre son rythme de croisière en vue de la prochaine escale qui sera… le générique de fin, sans qu’on voit le temps défiler. Les déguisements sont toujours aussi parfaits, qu’ils soient crasseux ou pas, déchirés ou non, jusqu’aux quenottes pourries ou en or. Keira Knightley a peaufiné son personnage et l’exploite au maximum, amenant du même coup quelques situations cocasses (son jeu sur la plage est à se tordre de rire, y compris dans les petits gestes anodins
comme lorsqu’elle regarde ses compagnons de route s’entretuer, puis tourne la tête vers les deux affreux jojos qui emportent le coffre puis recommence à regarder le trio en découdre avant de réaliser soudainement que le coffre se fait la malle
). Orlando Bloom a toujours aussi fière allure, et l’arrivée de Stellan Skarsgård en Bill Turner est également bien sympa. Evidemment, tout le monde s’accordera à dire que la palme de l’interprétation revient à Johnny Depp pour avoir donné un comportement aussi singulier à son personnage, jusqu’aux multiples petits cabotinages qui font de Jack Sparrow un pirate unique en son genre. La vraie performance est d’avoir su rééditer toutes ces petites manies que nous avions découvertes pour notre plus grand bonheur lors du premier tome. Le constat est sans appel : on aime ce pirate ! Il faut cependant aussi compter sur Bill Nighy car il a réussi sous les traits du capitaine Davy Jones à rebooster l’intérêt du spectateur pour un affrontement qui devrait en guérir plus d’un des produits de la mer. En plus on lui a confectionné un visage que nul n'est près d'oublier, et là encore les effets visuels sont bluffants de réalisme. Je ne sais pas vous, mais je trouve ça... c'est... c'est... répugnant ! La mise en scène de Gore Verbinski est toujours aussi soignée, et ça se voit dès les premières images lorsque le premier plan s’attarde sur la pluie qui s’abat sur un lieu de réception désert. Il a vraiment un sens de l’esthétique que lui aussi a su rééditer et tenir sur la distance malgré un univers un peu plus sombre. Aussi, tout comme "La malédiction du Black Pearl", je ne saurai rien faire d’autre que de vous conseiller de voir et revoir ce second volet en Blu-ray afin de profiter au mieux de la très grande qualité visuelle. Dans la mesure de vos possibilités bien sûr. A noter que le troisième volet est annoncé cette fois avant le générique de fin. On sait que Jack Sparrow et son équipage devront voyager sur les mers du bout du monde. Cela ne veut pas dire pour autant qu’il n’existe pas une scène post-générique. Il y en a une ! Mais… à quoi sert-elle donc alors ? Ca, mystère et boule de gomme…