Hardware est un film délicieusement singulier, un des sommets du genre « film d’ambiance ». Je l’ai vu plusieurs fois très jeune puis plus âgé, et il me laisse toujours une impression étrange et envoutante. C’est là l’énorme point fort de ce film, sa capacité à installer avec trois fois rien, un univers à la fois décadent et fascinant, clouant au piquet bien des mondes post-apocalyptiques comme on les aimait bien à l’époque. La photographie est sublime, avec des éclairages aussi réussis que dans Suspiria. Jouant sur les rouges, les bleus, évitant presque toujours la lumière vive au profit d’une semi-pénombre, une atmosphère sans équivalent s’installe, à la fois lourde et poisseuse. C’est parfois à la limite de l’hypnotisant, d’autant que la mise en scène de Stanley prend son temps pour contempler, admirer, et nous permettre d’apprécier cette ambiance si particulière (n’hésitant pas à nous la montrer sous différentes coutures en passant en mode vue subjective avec le robot). Le réalisateur est un peu moins bon dans les scènes d’action par contre. Les décors sont limités, mais certains sont splendides (notamment au début dans le désert). Je relève encore la musique, bien planante et répétitive typique de l’époque, qui vous transporte tout de suite vers cet ailleurs futuriste pas très réjouissant. A noter que les accessoires du métrage font franchement datés de nos jours, mais par une pirouette habile, le réalisateur a en quelques sortes pris les devants. En gros dans le futur d’Hardware, quant on est pauvre on fait de la récup, et on se débrouille avec des vieux trucs mis au rebut.
Parmi les points négatifs, après l’énumération de tous ces points positifs, je citerai le casting. En dehors de Stacey Travis très crédible dans son rôle et toujours bien convaincante, le reste des acteurs est plutôt moyen, et j’ai été surtout déçu par Dylan McDermott. Il manque de présence, à du mal à faire passer les émotions (notamment lorsqu’il est piqué par le robot). Ce n’est pas non plus une horreur, mais c’est un point dommageable car il incarne un personnage important. Les scènes d’action ne sont pas non plus très enthousiasmantes. Elles sont assez mollassonnes, et même si elles pâtissent sensiblement d’un budget pas folichon, le travail de Stanley en retrait contribue à les affadir. Les effets spéciaux ont pour leur part vieillis, mais tenant compte du budget et de l’âge du métrage, c’est un peu normal. Le robot a aussi une allure un peu bizarre qui le rendrait risible s’il n’était aussi vindicatif. Je termine, une fois n’est pas coutume par le scénario, basique, mais au final assez unique, car je n’ai pas d’autres souvenir d’une histoire de SF traitée de la sorte.
Vous l’aurez compris Hardware s’adresse surtout aux amateurs de films d’ambiance. Prenant son temps (bien que pas ennuyeux), le métrage de Richard Stanley possède une photographie, une musique, et une atmosphère sans pareille. Mélange de poésie noire, de folie décadente, d’humour malsain, ce film est totalement hypnotisant pour qui arrivera à décrocher des codes attendus. Il a des lacunes indéniablement, et c’est pour cela que je mets 4, mais il mérite clairement le détour. Et surtout ne vous attendez pas à quelque chose du genre Terminator, ce n’est pas parce qu’il est sorti après et qu’il y a un robot tueur, qu’Hardware s’en inspire. Il s’agit d’une vision totalement différente, et l’une comme l’autre ont leurs méritent. J’aime l’une comme l’autre, alors il est tout à fait possible de les concilier.