Richard Stanley, après Hardware livre encore un film absolument sublime. Un vrai métrage d’ambiance comme on en voit plus depuis très longtemps.
Je commence par l’interprétation. Ce n’est pas le point majeur de ce film, mais elle est tout à fait convenable. Elle est emmenée par Chelsea Field et Robert Burke. La première livre une prestation solide et convaincante, donnant sur la fin notamment une consistance remarquable à son personnage. Robert Burke de son coté est parfait en homme solitaire, sans émotion, errant sur les routes. Le reste du casting est un peu inégal, mais Zakes Mokae est correct, et en dépit donc de certaines faiblesses d’arrière-plan, Dust Devil ne fait absolument pas pâle figure.
Le scénario du film est brillante. Mêlant au film de serial-killer basique (Dust Devil s’inspirant d’une histoire vraie) les légendes africaines (Stanley étant sud-africain), et teintant l’arrière-plan de son film par l’histoire de son pays, mouvementé à cette époque, il livre une histoire splendide de bout en bout. Complexe, tortueux, à la limite parfois du compréhensible, Dust Devil est simplement une sorte de rêve ou de cauchemar éveillé. Si le film rentre très vite dans le vif du sujet, le rythme est néanmoins assez lent, mais jamais ennuyeux. Je précise avoir vu la version finale et entière de ce film, celui-ci ayant été très fortement coupé par le passé, et donnant donc surement au découpage du métrage et au rythme, un autre aspect.
Visuellement Stanley est toujours aussi imaginatif, original, créatif. Après Hardware qui était déjà une pépite, Dust Devil est de toute beauté. La mise en scène est magistral, rien de plus. Les plans, les cadrages, le choix des vues aériennes pour magnifier les paysages, tout est brillantissime. Je me demande encore pourquoi Stanley c’est arrêté de nous faire rêver après ce film, tant sa caméra est virtuose, plus encore ici que dans Hardware. Tandis que le huis clos le limitait quand même, ici les grands espaces lui donnent une liberté dont il se sert à merveille. La photographie est elle aussi magique, hypnotisante. Travaillant sur les couleurs, elle utilise avec un très grand talent les tons orangés de ce désert sud-africain, et joue sur les fameux contrastes de teintes chaudes et froides déjà aperçu dans Hardware. Hypnotisant, littéralement. Les décors sont splendides. Les paysages naturels bien sur sont d’une beauté à couper le souffle, et très originaux puisque très rarement vus dans un film. Néanmoins la ville déserte à la fin est non moins magique, semblant sortir des sables du désert. Quelle apparition ! Je note quelques effets gores, au début et à la fin essentiellement, tous très réussis et pour certains bien violents. Il ne faut néanmoins pas partir sur l’impression que laisse le début, Dust Devil n’est pas un film sanglant. La partition musicale est magistrale, minimaliste le plus souvent, se limitant parfois à un seul son de cloche, mais elle colle tellement bien à l’ambiance et aux images, et est d’une telle maitrise qu’elle accroche tout de suite l’oreille pour ne plus la lâcher !
Parlerai-je d’un chef d’œuvre ? Oui. Ce film est quasiment sans aspérité à part quelques très légers défauts. Il est un peu lent peut-être, mais à l’image d’Hardware c’est un film d’atmosphère qui se doit de prendre son temps pour poser l’ambiance. Beaucoup plus abouti que le sus-nommé, pourtant déjà brillant, Dust Devil est à voir, indéniablement. Très singulier sur le fond, et brillantissime sur la forme, Stanley livre une perle. Il faudra néanmoins accepter parfois de se perdre, et accéder au style particulier que le film déploie.