Le troisième visionnage aura donc été le bon : j'ai enfin "compris", ou mieux, "ressenti" ce que Johnnie To voulait faire, voulait dire avec son réputé "Breaking News", à côté duquel j'étais passé jusqu'à présent. Il y a d'abord cette introduction virtuose avec un plan séquence mémorable, dont l'incroyable caractéristique est l'ultra-réalisme, à l'inverse exact des gesticulations vaines d'un Iñarritu ("Birdman"). Ensuite, il y a, une fois le soufflé légèrement retombé, deux films dans "Breaking News" : l'un, récit d'une manipulation médiatique risquée à la quelle se livre la police, est une critique bien superficielle et convenue du sensationnalisme de la violence dans les media, et est assez peu intéressant. L'autre film, qui joue à faire basculer notre perception de chacun des personnages de ce récit complexe, est magistral : pour simplifier, To nous amènera "en douceur", à comprendre, voire respecter tous les personnages antipathiques (les gangsters hyper violents, humanisés lorsqu'ils passent à la cuisine, ou échangent leurs rôles et leurs cibles, la séduisante Capitaine Fong, détestable par son arrivisme, se révèle au final un "vrai" policier), alors que les "héros" sont finalement des brutes absurdement hystériques, à l'image de l'inspecteur Cheung. Et, alors que l'extrême technicité du filmage de To (qui, rappelons-le, à l'opposé de John Woo ou de Tsui-Hark, utilise la virtuosité de sa mise en scène non pour servir le spectacle, mais avant tout pour produire du sens) a pu passer pour de la froideur, le final de "Breaking News" s'avère un moment de beauté "romantique" magnifique, concluant brillamment un film paradoxalement exemplaire.