Autant le premier film dAsia Argento, « Scarlet Diva », nous avait laissé sur notre faim car, malgré ses qualités, cétait encore un brouillon post-punk un peu bordélique, autant son second, « Le Livre de Jérémie », est un petit bijou. Asia y est à la fois réalisatrice et actrice principale ; il faut dire quelle possède un véritable corps de cinéma et quil serait dommage de ne pas lutiliser. Dans cette adaptation dun roman de J.T. Leroy, elle sest confiée le rôle dune jeune mère droguée, toxicomane, hystérique et instable qui vient récupérer son jeune fils jusqualors placé dans une famille daccueil. Lenfant, apeuré, na dautre choix que daccompagner cette femme qui le terrorise. Passant dhomme en homme, tous plus dégénérés les uns que les autres, dappartement insalubre en maison délabrée, de coma éthylique à surcharge dhéroïne, elle va faire vivre un enfer à ce gosse qui, après un séjour tout aussi traumatisant chez des grands parents stricts et puritains, va finalement retrouver sa mère et apprendre à laimer, avec toutes les ambiguïtés que ce mot peut contenir, des tentations incestueuses à la destruction romantique. Sur un sujet aussi difficile que celui-ci, la touche à tout Asia Argento sen tire avec brio. Elle réalise un grand film, dans la lignée des grands road-movies 70s à la Monte Hellman, et prouve quelle est bien plus que la fille de son père. Avec une myriade dacteurs saisissants (dont plusieurs guest-stars que les plus mélomanes apprécieront : Lydia Lunch, Marilyn Manson
), une mise en scène brute et pensée, une vision de la société noire au possible, Asia Argento saffiche clairement ici comme lune des cinéastes avec laquelle il va falloir désormais compter ! Et ce nest pas nous qui allons nous en plaindre.