Voilà un film curieux. "Textiles" choisit de suivre un camp de naturistes à travers les yeux de Sophie (Barbara Schulz). C’est une bonne idée. Elle est certainement le porte-parole de beaucoup de gens qui découvriraient à leur insu tous ces corps déshabillés. En effet Sophie ne s’attendait pas à passer des vacances d’été dans un camp de naturistes, elle et son mari croyaient avoir acheté un appartement d’été dans un endroit banal. Voilà pourquoi j’emploie le mot « insu ». Corps nus qui fait des courses au supérette, qui s’adonnent à des activités sportives, qui se baladent dans les allées aussi naturellement que les « textiles », c’est-à-dire ce que sont tous les gens de cette planète : habillés ! Ce qui est intéressant, c’est de suivre le point de vue de Sophie. Non seulement, je comprends qu’elle soit choquée, parce qu’elle ignorait totalement où se situait son appartement, mais elle l’est d’autant plus qu’elle est accompagnée de ses deux petits enfants (entre 7 et 9 ans, je crois). Sophie serait-elle un peu vieux jeu ? Ou vieille France ? Sans aucun doute. Pour elle la nudité relève de l’intimité. Elle doit rester cachée. Pour elle, les corps qui lui sont exposés sont laids et moches, c’est ce qu’elle finit par dire à sa voisine Juliette, laquelle, évidemment s’invite chez Sophie nue, laquelle adhère à la philosophie des naturistes, laquelle le réalisateur en fait forcément une femme ouverte, sans mauvais jeu de mot. Oui, il faut être ouvert d’esprit pour vivre nu pour accepter la nudité d’autrui. L’esprit est connecté au corps. Et vice versa. Juliette est le contre point de Sophie, et là encore le réalisateur donne à Sophie un contre argument à ses idées préconçues et à ses préjugés. Lors d’une conversation, on apprend par Juliette que Sophie ne se balade pas nue dans son intimité, ne regarde pas son corps, ou alors de façon mécanique comme toute personne qui se déshabille, ou est sous sa douche, elle ne s’attarde pas à apprécier sa nudité, et on apprend aussi que Sophie fait l’amour non seulement très rarement mais la lumière éteinte. Ce n’est pas être que vieux jeu, Sophie n’a pas de rapport avec son corps nu. Elle est en effet fermée. Comme elle fermera les volets de son appartement pour se protéger de la nudité qui gambade à l’extérieur. Juliette sera celle qui lui permettra d’ouvrir les volets de sa conscience qui au fond d’elle-même s’impatientent de s’ouvrir. Il lui fallait cette confrontation directe, coup de poing avec le camp de naturistes et la fréquentation de Juliette pour qu’elle accepte d’ouvrir son esprit. Et comme la plupart des gens qui ignorent cette démarche, Sophie relie la nudité à la sexualité, laquelle, comme je le disais plus haut semble conventionnelle, mécanique. Les naturistes vous diront que les curieux sont bannis des camps, que ceux qui photographient et filment sont très mal vus. Cependant, Juliette parle de coin où des hommes se rassemblent. Il ne faut pas être hypocrite. Oui, la nudité combinée à la chaleur peuvent conduire à la sexualité. On le sait tous, il y a des couples qui ne se gênent pas pour s’aimer au grand jour. Sophie abandonne l’appartement quand son mari revient la rejoindre. Après avoir déposé les enfants chez les grands-parents, Sophie revient au camp et voit son mari, nu, agglutiné comme d’autres à regarder un couple qui se caresse. Sophie, sans pour autant se déshabiller, va adopter une démarche érotique en se baignant dans la mer ; des hommes vont la suivre dont son mari qui ne sait pas encore qui est cette femme qui se jette à l’eau. Quand elle en ressort, ses formes sont dévoilées. On peut penser que Sophie finit par s’ouvrir l’esprit mais on voit bien que la sexualité est reliée à l’environnement. Quand le couple se caressait, parmi les curieux qui observaient, certains s’adonnaient à la masturbation. Sophie a eu le temps de gamberger sur les propos de Juliette, sur ce camp, quand elle a déposé ses enfants. Enfin, les naturistes ne voient pas les corps. Ils ne portent aucun jugement. C’est le contraire de Sophie puisqu’elle dit que tous ces corps sont laids et moches. Et alors ? ce qu’il y a de bien avec les naturistes, c’est qu’ils assument leur corps, ils assument les ingratitudes de l’âge. Pourquoi une femme ou un homme devrait abandonner l’idée d’être nu en société à cause de son âge ? Pourquoi abandonner ce principe de vie qui vous a accompagné tout au long de votre existence ? La nudité a cet avantage : elle ne donne aucune indication sur l’identité sociale. Un homme nu ne dit pas s’il est ouvrier ou docteur. Le film aurait pu être une comédie grasse, ou aurait pu proposer une fin prévisible : Sophie nue dans le camp et se sentant libérée, le sourire au lèvres. C'est plus subtile que ça. A travers la conduite de Sophie, les plans un peu trop serrés sur son visage révèlent avec parcimonie le cheminement de ses tourments. Le réalisateur n’a pas dissocié le naturisme de la sexualité. Il a évité l’hypocrisie. On peut simplement reprocher la qualité des plans, de l’image même qui donne à ce film un goût désagréable de téléfilm. Oui, un film curieux, à la fois superficiel et délicatement bien amené dans sa réflexion. En tout cas, le film a le mérite de nous proposer le minois de Barbara Shulz très rare dans les salles obscures.