Premier film de S.Ray, le plus connu aussi. S'il n'est pas parfaitement abouti, il reste le plus marquant par son portrait d'enfance onirique et gracieux, tout en décrivant avec pudeur et délicatesse la misère de ces gens mis de côté. Aussi surprenant que cela puisse paraître, c'est au cinéma de Mizoguchi que la filiation me semble la plus forte. En particulier le portrait, dans une société tellement sexiste, de ces femmes qui se battent pour conserver le peu qu'elles ont, affirmer leur dignité, mais qui sont invisibles aux yeux de la société. La mère, personnage d'une volonté incroyable, tente de maintenir la famille à flots entre un mari inconséquent et souvent absent pour travailler, une tante capricieuse, Durga, la fille aînée (attention, l'un des personnages les plus attachants du cinéma. Le cinéma de S.Ray regorge de personnages mortellement attachants) qui vole et vagabonde au gré de ses envies, et Apu, le cadet, qui fait des conneries comme tous les garçons de son âge. Ce premier épisode de la trilogie d'Apu est centré, comme les autres, sur le portrait d'une femme, ici Durga. Pour moi, ce qui rend ce film tellement ludique, beau et lyrique, c'est l'authenticité qui s'en dégage. Les acteurs, amateurs et pourtant géniaux, aident beaucoup à cela. De plus, le lent glissement, inexorable mais si évitable, qui mène au drame, est montré comme si de rien n'était, ce genre de choses arrivant fréquemment à ce niveau de pauvreté. La scène où Apu évite le déshonneur à sa soeur, à la fin de film, est terriblement poignante. Truffaut méprisait ce film car il disait ne "pas aller au cinéma pour voir des paysans bouffer du riz avec les doigts". Moi j'ai adoré ce spectacle fait d'humilité et de simplicité, magnifié par le cinéma. La trilogie d'Apu, centre de la filmo de S.Ray, est à découvrir absolument pour les spectateurs curieux et exigents, ainsi que d'autres de ses films d'ailleurs.