La constance du jardinier ou lorsque John Le Carré quitte les sentiers tortueux et prodigieux de la Guerre Froide pour s’attaquer aux cartels des médicaments. Cette adaptation d’un roman de l’auteur britannique, publié au tout début des années 2000, est aussi l’occasion pour Fernando Meirelles, le metteur en scène brésilien auteur du désormais célèbre La cité de Dieu, de quitter son Amérique latine natale pour s’aventurer clairement en terre anglo-saxonne. Comme toute adaptation cinématographique de Le Carré, Un homme très recherché nous en donne un nouvel exemple, le rythme est lancinant, l’intrigue complexe et les rebondissements aussi rares que tonitruants. L’auteur et le cinéaste lui rendant hommage explorent ici un sujet aussi criant d’injustice que fourni en potentiel dramatique. L’Afrique, les épidémies qui la rongent, notamment le Sida et la tuberculose, devient le centre mondiale de la malhonnêteté des grands laboratoires pharmaceutiques, terres peuplées d’hommes cobayes juste bon à assurer le profit sans que vague soit faite, dans l’anonymat et la discrétion.
Voilà donc qu’un diplomate de sa Majesté, dont l’épouse s’engage activement à la dénonciation d’une aberration couteuse en vie humaine, se voit confronté à la dure réalité. La disparition de sa douce moitié fait de lui un homme nouveau, un redresseur de tort sur le tard, qui prend soin de mettre des bâtons dans les roues d’une multinationale galloise pour qu’éclate la vérité. The Constant Gardener s’affiche alors comme un film essentiel, un douloureux portrait d’un monde avilissant, d’un occident diablement sournois exploitant la pauvreté et la crédulité des moins bien lotis. Pour ce faire, il fallait un acteur tel que Ralph Fiennes, incarnation ici du flegme britannique, le contraire absolu de son ignominie dans la Liste de Schindler. D’abord naïf, bienpensant enfermé dans son cocon de bonne conscience, l’homme doit affronter la réalité obscure dans un effort d’humanité impressionnant. L’acteur, mais cela n’étonne guère, est l’homme clef du long-métrage, un ténor de l’interprétation dramatique qui efface dès lors bien vite le reste du casting.
C’est là où se situe sans doute le problème. Le premier rôle n’a pas d’équivalent. Rachel Weisz, pleine de bonne volonté, ne fait finalement qu’alourdir inutile le propos, jouant à l’excès la femme engagée envers et contre tout. Son rôle, quasi caricatural, s’oppose clairement à la justesse déployée par Ralph Fiennes. Qui plus est, les nombreux retours en arrières, flashbacks souvent fiévreux et sensuels, pourtant destiné à donner du corps à l’histoire actuelle, ne font qu’allonger inutilement le film d’une bonne demi-heure. Trop suave pour réellement choqué le public, le film de Meirelles, tout en étant honorable, démontre un véritable manque de consistance narrative, passant à multiples reprises par le case départ histoire de bien renforcer la tristesse d’une romance maintenant disparue. En somme, à force de persister sur le sentimentalisme, le cinéaste manque à certaine reprise de donner une vraie force à des scènes nettement plus intéressantes.
Le final, relativement puissant, sauve finalement le film d’une descente en flèche vers la platitude. On se doute bien entendu que tout finira comme escompté, mais aussi bien Le Carré que Meirelles ne sont pas que de simples narrateurs. Heureusement. Pour conclure, soulignons que la mise en scène de Fernando Meirelles, bien que parfois douteuse, agressive dans ses coloris, met très bien en lumière les conditions déplorables de vie dans les bouges sociaux africains. En réalité, bien que le film ne s’égare pas souvent hors du contexte diplomatique des personnages, le metteur en scène parvient à livrer des images d’une Afrique réaliste telles que l’on en avait plus vues depuis des lustres. Convainquant à défaut d’être exaltant, The Constant Gardener s’avère être un film pour les passionné, une œuvre sereine mais parfois trop timorée. 13/20