( Un spoiler sur Casablanca s'est malicieusement glissé dans ma critique )
Un très beau film. Les Temps qui Changent situe son action à Tanger. Le cadre marocain n'est pas étranger au discours que propose le film et au rapprochement qu'on peut faire entre ce dernier et celui de Michael Curtiz. Dans les deux, ce qui touche parmi tant d'autres choses, c'est l'aspect romantique de son personnage principal. Il y a quelque chose de profondément émouvant dans le Téchiné, qui naît du personnage interprété par Gérard Depardieu, amoureux transi qui a défié le temps et les diverses conquêtes qu'il a eues pour se retrouver trente ans après en face de la seule personne qui comptait pour lui. Le film décrit subtilement toute la nostalgie qui habite Antoine, et Téchiné - malgré quelques dialogues étonnants de lourdeur - est à son meilleur quand se présentent à lui les visages de l'ancien couple formé par Deneuve et Depardieu. Il les filme dans leur totalité, souvent en gros plans, mais toujours avec une certaine pudeur, une volonté de représenter l'importance de l'amour qui a existé entre Antoine et Cécile, sans toutefois sombrer dans une sorte de voyeurisme et tout dévoiler, à l'image de la séquence où leurs corps se retrouvent enfin. C'est là une des forces du film, montrer les choses telles qu'elles sont, mais réserver aussi une intimité à ses personnages.
Le temps qui change et qui a passé a provoqué des bouleversements de situations, des (re)configurations chez les personnages. De ce fait, la quête éperdue d'Antoine se heurte à la nouvelle réalité qui voit son ancien amour marié. De cette situation naît un suspense que Téchiné parvient à tenir sans mal. Et, à la question " Cécile va-t-elle revenir vers Antoine ? " s'ajoute une émotion provoquée par la précision psychologique des personnages et leur fine description. Si on s'attache autant à la résolution du problème, c'est qu'on est en totale empathie avec un remarquable personnage qui tire son intérêt du pur romantisme qui l'habite. Il s'oppose à celui de Bogart dans Casablanca, qui avait compris qu'aimer consistait à laisser sa liberté à l'autre. Pour autant, Antoine n'apparaît jamais comme un type totalement obsédé, qui perdrait véritablement toute notion de réalité et pousserait l'égoïsme à son paroxysme ( James Stewart de Vertigo, m'entends-tu... ). Malgré son obstination et sa volonté absolue de reconquérir sa belle ( on se croirait dans un conte, autre point autorisé par la géographie et les décors ), Antoine se révèle très touchant parce que justement son obstination est calme et silencieuse, donnant seulement l'impression qu'il ferait tout pour Cécile et ainsi, magnifiant ce personnage féminin qu'il semble mettre sur un piédestal. Deneuve ressemble réellement à une reine dans ce film.
Les films romantiques sont rares, moins nombreux qu'il n'y paraît, et malgré un début poussif et quelques longueurs, Les Temps qui Changent s'avère simplement bouleversant et juste. Inutile de développer sur ses deux acteurs principaux, on a déjà dit qu'il s'agissait de Gérard Depardieu et de Catherine Deneuve, point.
Très joli film sur le temps qui passe et la beauté des sentiments.