A événement exceptionnel, casting exceptionnel au service du réalisateur Christian Carion venu nous conter un fait très éloigné de l’ordinaire. Pour ce faire, il a choisi d’implanter 3 angles de vue. Nous sommes en décembre 1914, en plein conflit appelé la Première Guerre Mondiale. Bien entendu nous avons celui des allemands parmi lesquels on reconnait Daniel Brühl, celui des français (cela va de soi) avec Guillaume Canet et Dany Boon en première ligne (si j’ose dire) ainsi que Bernard Le Coq, et enfin celui des écossais avec entre autres Gary Lewis, Steven Robertson et Alex Ferns. C’est d’ailleurs par ces derniers que commence Carion, en nous faisant survoler les vastes vallons écossais au creux desquels chantent les rivières sur une très belle musique de Philippe Rombi. Cette première séquence chargée de poésie nous amène tout droit dans une édifice religieux où un prêtre anglican s’évertue à allumer quelques cierges. Peine perdue : ses efforts sont ruinés pas l’entrée en scène d’un jeune drille plein de fougue impatiente, pressé de venir chercher son frère parce que trop heureux de partir à la guerre, au grand désabusement du curé. Un désabusement dont on ignore si c’est le fait de voir ces deux jeunes partir « la fleur au fusil », ou de voir ces cierges incidemment éteints par un malencontreux courant d’air. Ou les deux à la fois… Le fait est que nous retrouvons les belligérants tous mis sur le même pied d’égalité au même endroit, dans ce qui s’apparentait déjà à une guerre de tranchées. Des tranchées séparées par un no-man’s land animé par des assauts et des répliques particulièrement meurtriers. La reconstitution est assez convaincante malgré un budget serré. Mais un budget a priori bien maîtrisé si on en juge par la bonne qualité de la pyrotechnie et les nombreux costumes qu’il a fallu distribuer. Ah tiens, concernant les costumes, je ferai un seul reproche : ils me semblent un peu trop propres à mon goût par rapport au lieu fréquenté. Mais bon, ça n’engage que moi. Bref ! Qu’ils soient allemands, écossais ou français, tout le monde est dans le même bateau, ou plutôt dans la même tranchée.
Enfin bon là, j’anticipe un peu.
Mais en ce début de XXème siècle, les traditions étaient encore bien présentes. A commencer par la nuit de la nativité. On peut trouver remarquable l’idée de la danoise Anna Sörensen de se rapprocher du front pour donner un récital. Même si c’est plus l’idée de retrouver l’homme qu’elle aime (engagé lui aussi dans le conflit en tant que simple soldat) qui l’a poussée plus que tout à réaliser cette folie. Une folie mûrement préparée qui va amener une autre folie encore plus folle et amener ce qui semblait inenvisageable quelques heures, quelques minutes plus tôt . Diane Kruger, puisque c’est elle, se voit prêter pour l’occasion une voix d’ange par Natalie Dessay, cantatrice soprano française, laquelle hérite des logiques remerciements dès le générique de début. Il en va de même pour Rolando Villazón, lui qui a prêté sa voix de ténor à Benno Fürmann. Les deux acteurs se sont montrés d’ailleurs très doués pour la synchronisation avec les chanteurs d’opéra. Mais c’est bien par leurs personnages qu’une anecdote incroyable se produit, lançant en pleine face du spectateur toute l’absurdité de la guerre et du manque (pour ne pas dire absence) d’humanisme des différents états-majors. Parce qu’il y avait là une occasion en or de stopper dès cette nuit un conflit et épargner ainsi des millions de vies humaines. Parce que ce qu’on ignore, c’est que cette anecdote s’est passée en plusieurs endroits. Une anecdote qui tourne ici presque à la farce et réduit presque la guerre en une blague de très mauvais goût. Cependant je ne peux m’empêcher de penser qu’il manque quelque chose à ce film. Ce petit quelque chose qui vous prend aux tripes. Certes nous voyons Guillaume Canet avec le trouillomètre dans le rouge, un fait des plus amusants chez les écossais, l’étouffante rigidité des allemands, et cette insatiable soif de vengeance chez Jonathan qui menace de faire capoter ce moment de répit à tout instant, mais il manque ce petit supplément d’âme supplémentaire, ce petit quelque chose d’indéfinissable pour en faire un grand film. Est-ce à cause du bruitage pas toujours à la hauteur, notamment lorsqu’un cadre se brise ou un peu plus tard un verre ? Peu importe, "Joyeux Noël" ressort un peu comme un conte de Noël dans un contexte qui n’a rien d’un conte, tout en ayant le mérite de nous révéler un fait inconnu de la plupart d’entre nous. Je crois d’ailleurs qu’on peut dire bravo à Christian Carion d’avoir effectué cet énorme travail de recherche dans les archives secrètement gardées par l’armée. Ben oui, révéler au grand public que les ennemis fraternisaient au lieu de se faire la guerre fait un peu désordre, il faut bien le reconnaître. Mais nous les spectateurs remercions Christian Carion pour son entêtement, ainsi qu'Yves Buffetaut dont le livre Batailles de Flandres et d’Artois 1914-1918 est la base de ce film. A noter : un caméo sympathique du toujours excellent Michel Serrault.