Tout est Illuminé est une énième preuve que des merveilles peuvent passer assez inaperçues. Si l'acteur principal de ce road movie à la fois drôle et dramatique n'avait pas été Elijah Wood, je n'en aurais certainement jamais entendu parler et je serais passé à côté ! Pourquoi ce film est-il autant passé à la trappe ? Quand je vois de véritables pépites comme celle-ci, je ne peux m'empêcher de trouver déplorable le fait que tant de bouses commerciales engrangent des amas de fric à tour de bras. Pourtant, il me semble que le film avait bien plu au public lors de son unique représentation au festival de Deauville en 2005. Je ne comprends pas qu'il soit sorti seulement dans 10 salles en France. Bon, il faut dire aussi qu'il est paru le même jour que King Kong de Peter Jackson, et au milieu de Harry Potter et du Monde de Narnia. Difficile de rivaliser, d'autant que ce film ne répond pas exactement aux attentes habituelles du public français. Pour rajouter de la difficulté (sinon ce n'est pas marrant), le film n'est pas sorti en DVD en France. Tout est Illuminé est un ovni du cinéma, un film d'un genre assez spécial adapté du roman du même nom, écrit par Jonathan Safran Foer. Le livre, tout comme le film, est basé sur l'histoire vécue de l'auteur. C'est le premier film de l'acteur Liev Schreiber (quand même assez connu, il a joué notamment dans la saga Scream), et il n'en a pas refait depuis. Mais quelle réussite ! Et qui de mieux pour interpréter cet homme que Elijah Wood ? Comme le précise Liev Schreiber, le nom de l'acteur lui est venu immédiatemment en tête lorsqu'il a songé au casting. Le film se déroulant à travers les yeux du personnage Jonathan, il est clair que Elijah Wood est parfait de bout en bout, avec ses grosses lunettes, ses manies et ses grand yeux ultra-expressifs. Un rôle bien différent de son interprétation de Frodon dans le Seigneur des Anneaux, mais également de son rôle de Sin City. Qui plus est, il est tellement dans la peau de ce personnage qu'on ne pense même pas à le comparer à ses anciens rôles, tant il est crédible et profondément vrai. Cet acteur a vraiment un potentiel de dingue, et je suis ravi de le retrouver dans de si bons films. Mais parlons un peu du film en lui-même. Il est assez difficile à décrire. Tout d'abord, de l'humour, beaucoup. Un humour à la fois absurde et bienvenu, qui ne tombe pas à plat. Alex, qui ne comprend pas que son compagnon ne s'appelle pas "Jonfren" mais "Jonathan" (avec l'accent, ce n'est pas évident de décerner la différence et ce petit quiproquo récurrent est vraiment tordant). Jonathan, qui a une peur bleue des chiens mais qui devra subir tout son voyage à l'arrière de la voiture aux côtés de Sammy Davis Junior Junior, un clébard pourtant pas méchant. Le grand-père, qui fait croire à tout le monde qu'il est aveugle mais qui ne trompe personne (il conduit tranquillement, tourne la tête quand il y a du bruit), n'arrive pas à comprendre les habitudes de cet américain propre sur lui, se demandant ce que peut bien être le végétarisme. D'ailleurs, la scène de l'unique patate servie à Jonathan lors de son repas d'accueil en Ukraine est bien drôle. Bref, que d'humour et de répliques amusantes, grâce à un trio improbable et attachant dont on suit le parcours pendant 1h30. Eugene Hutz et Boris Leskin ont été pour moi de grandes révélations, parfaits et très naturels. Même si la musique, au style inhabituel, est légèrement agaçante au début, elle sert parfaitement l'ambiance du film ainsi que son humour particulier. Cependant, le film ne se résume pas à ça. En tant que "comédie dramatique", il a son lot de sensibilité, de magie et de féerie. Ce film est une beauté visuelle et auditive. Le personnage d'Elijah Wood est emprunt de douceur, de naïveté et de sérenité, comme l'acteur sait si bien le transmettre. En plus de ça, le film n'est pas dénué d'une multitude de messages, comme le devoir de mémoire à propos de l'Holocauste, le poids des secrets familiaux, l'amitié, l'amour. Et voir cet étrange individu tout faire pour réunir des objets ayant appartenu à ses ancêtres, c'est magnifique. La beauté des images au coeur de ce road-movie est succulente. A travers des flashbacks ou des scènes d'émotion, le film apporte son pesant de révélations et tout passe par les regards des acteurs, qui font vraiment un boulot énorme. La toute fin du film est absolument sublime. Une vague de nostalgie et de tristesse nous emplit en laissant partir ces personnages, qui se sont rencontrés et connus l'espace de quelques jours. Bref, malgré les deux ou trois légères longueurs, en sortant de ce film, on se dit "c'était vraiment spécial, mais j'ai pris mon pied". Le sentiment principal qui en ressort est une impression de sérénité que je ne me suis pas expliqué. Finalement on quitte les personnages et leur histoire en pensant "ce que je viens de voir est vraiment beau, pas spécialement hallucinant en terme de scénario, mais touchant, simple et agréable".