Imaginez un peu ça : H.G Wells, Spielberg, Cruise. Avouez, ça fait rêver, surtout si c'est pour La Guerre des mondes dans le monde post-11 septembre. Une date qui d'ailleurs semble hanter la nouvelle œuvre de Spielberg. Au travers d'une remarque de Dakota Fanning, à la course effrénée d'un Tom Cruise recouvert de cendres humaines, en passant par le bœing qui éventre la demeure familiale, le film porte les stigmates de ce jour précis. Pour la première fois chez le cinéaste, ce premier contact avec une race extra-terrestre va amener l'humanité au bord du précipice.
Une base de travail considérable, à laquelle se greffe la question parentale, obsession Spielbergienne par essence. À l'instar de Rencontre du troisième type, le héros est ici un père incapable d'assumer ses responsabilités. Les évènements vont l'obliger à revoir ses priorités pour rassembler la famille, alors que le ciment social unissant les citoyens se craquèle à mesure que les envahisseurs démolissent leurs villes. On est très loin des figures héroïques campées habituellement par Tom Cruise, puisqu'il subira pendant la majorité du long-métrage les conséquences de l'invasion et surtout de ses faiblesses en tant que paternel. Le comédien s'en sort très bien sur ce registre, moins flatteur mais plus émouvant. Surtout qu'il a face à lui deux jeunes interprètes épatants (Justin Chatwin et Dakota Fanning).
Sous le vernis intimiste, La Guerre des mondes prend le pouls d'une Amérique encore bien fébrile après le 11/09. Après une première heure très spectaculaire, le film opère à une bascule plus resserrée et psychologique. Par le biais d'un personnage secondaire, nous mesurons les répercussions de l'attaque soudaine sur la psyché humaine : repli sur soi, bellicisme, inconséquence,... Pas la peine de vous faire un dessin, le message est limpide. Et c'est un Steven Spielberg plus pessimiste que jamais qui l'assène, au détour d'une séquence hors-champ à se rompre les nerfs. Ceux qui accusent le cinéaste d'être trop docile en seront pour leur frais (et vous n'avez pas vu Munich). La Guerre des mondes marque une partie de carrière nettement moins sympathique pour le réalisateur, jusqu'à atteindre les tréfonds le l'horreur le temps d'une séquence au bord de l'eau évoquant les heures les plus sombres de l'Histoire. Le bande originale de John Williams et la photographie blafarde de Janusz Kamiński, toutes deux incroyables, participent à ce climat de fin du monde inéluctable.
Rassurez-vous, ce n'est pas antinomique avec la maestria encore une fois mémorable dont fait preuve Spielberg, qui orchestre le chaos à hauteur d'homme. Avec une succession de plans-séquences impressionnants, le metteur en scène emballent plusieurs scènes qui vous marquent la rétine. Niveau images qui envoient du lourd, le long-métrage se pose là. Le sol qui se lézarde entre les passants, un pont haché menu par les tripodes, ou la petite escapade mouvementée en ferry,...Bref, il y a largement de quoi satisfaire les amoureux du grand spectacle.
C'est dans un final moins inspiré que La Guerre des mondes retombe quelque peu. Il est loin d'être honteux, soyons clairs, d'autant plus qu'il s'accompagne d'une teinte écolo assez agréable. Mais il donne plus l'impression d'obéir à un cahier des charges plus classique, au détriment de la sombre odyssée qu'on suivait jusque-là.