Je suis un grand fan du livre de Wells, que je considère comme un chef d’œuvre indémodable de science fiction, tranchant et très osé pour son époque. La première adaptation est adorable, mais n'arrive pas à la cheville du bouquin. Le nom de Spielberg arrive alors, et suscite un espoir fou. Et vain, car si l'on pourra voir les colossaux tripodes s'en prendre à l'humanité, le film n'est qu'une adaptation qui se sert du roman comme matériau de base. Pour le meilleur en terme d'exploitation des envahisseurs, pour le pire en ce qui concerne...tout le reste. Il y a de quoi s'arracher les cheveux devant ce qui aurait pu être un pivot éternel de SF, devant tout ce potentiel gâché. Bon sang, il y a une mise en scène à couper le souffle ! Jamais la caméra de Spielberg n'aura slalomé avec autant de virtuosité, dépeignant avec un rythme qui jamais ne faiblit cette invasion dévastatrice. Des effets spéciaux démentiels peaufinés par le grand Denis Murren (vous savez, le gars d'ILM, la boîte qui a propulsé Jurassic Park au stade de révolution technique du cinéma...), une photographie d'une folle complexité qui jouxte sur tellement d'effets à la fois que le pauvre DVD en pâtit parfois, alors qu'il offre pourtant une très belle mouture soit dit en passant. Bref, on est devant une démonstration visuelle époustouflante. Et sonore, car John Williams dessert des thèmes sombres et nerveux qui palpitent à nos oreilles, ou encore nous concocte une variation des morceaux pour les raptor de Jurassic Park (et Spielberg de nous resservir une énième fois la scène de la cuisine, habitude qui devient franchement agaçante). Mais le bonhomme sait nous faire ressentir la puissance dévastatrice des extra-terrestres, et c'est ce qui compte le plus. Il livre ainsi des images apocalyptiques qui n'arrivaient à nous « menacer » dans la première version, n'hésitant pas à lorgner vers le film catastrophe lorsqu'il présente les étendues désolées par leur passage. Cependant, et c'est là que le bat blesse (trop), le sentiment de fin du monde ne nous atteindra pas vraiment. Le peu qui ressort vient de la peur des immenses tripodes, en réalité tout le film tourne autour d'eux et ce sont eux les véritables héros, des léviathans destructeurs contrôlés par des êtres cruels et sanguinaires, ce qui donne lieu à des moments particulièrement choquant et terrifiants. Toute l'horreur du livre qui dépassait l'imaginable lors de sa parution est remise ici sur le tapis avec une angoisse qui faisait énormément défaut au film de Haskin. Malheureusement, dès que l'on tourne son regard vers les « gentils », on constate que c'est loin d'être reluisant. L'équipe de protagonistes héroïque, qui existent en guise de fil narrateur, est sacrément horripilante. Entre cette insupportable gamine jouée par l'insupportable Dakota Fanning et Tom Cruise stéréotypé super agaçant, à des lieues de Minority Report, c'était pas gagné. On est loin de la personnalité dure et renversante du héros de Wells. De plus l'histoire en soi de ces personnage est en elle même un gros cliché américain vraiment déplacé dans ce contexte. Spielberg veut une émotion de famille au bord du gouffre, mais il loupe complètement tout cet aspect là. Dommage, cela représente un poids trop lourd qui encombre un incroyable monstre d'efficacité spectaculaire.