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Un visiteur
5,0
Publiée le 5 janvier 2015
Le filmage, en s'affirmant ainsi et à la fois comme relation symétrique entre le filmeur et les filmés et, corrélativement, comme rupture réelle (aussi modeste fût-elle) avec l'asymétrie réglant la norme de l'ordre colonial, engage au nom de l'égalité un renversement symbolique des positions habituelles du corps des dominants comme des dominés. Il faudra donc que le filmeur filme à genou les enfants qui, bien plus que l'administrateur colonial, l'autorisent à entrer dans leur village afin que l'homme issu malgré lui du camp de la domination exprime son humilité devant les personnes filmées. Comme il s'est agi dans le même mouvement de restituer à celles-ci une dignité constamment déniée par une idéologie soucieuse d'enfermer les colonisés dans un statut de mineurs politiques. Commencer Afrique 50 à la condition d'en passer d'abord par des enfants, puis les filmer en contre-plongée comme le ferait John Ford filmant dans un western John Wayne, enfin les désigner en disant d'eux qu'ils sont comme des « sages » et des « philosophes » représentent ainsi les trois opérateurs cinématographiques privilégiés avec lesquels René Vautier livre moins son message anticolonialiste qu'il ouvre un rapport au monde réellement en rupture avec le fait colonial.
C'est un court métrage en noir & blanc de 17 mn, commandé par la Ligue de l’enseignement afin de promouvoir la mission éducative de la France en Afrique Occidentale Française (A.O.F.). René Vautier, à 22 ans, fraichement sorti (1948) de l’I.D.H.E.C. (Institut Des Hautes Etudes Cinématographiques), en fait un brulot anticapitaliste. Le film sera interdit jusqu’en… 1996 et cela lui valut une condamnation à 1 an de prison ! Avec le recul du temps, René Vautier a été visionnaire et a pressenti l’indépendance des colonies françaises 10 ans après son film. Ce dernier est un réquisitoire en révélant les mauvaises actions commises par les entreprises françaises ou l’armée au détriment des africains. Malgré sa formation de cinéaste, René Vautier a « oublié » d’être plus précis et de mentionner les lieux et les dates des faits qu’il dénonce mais il a la fougue d’Emile Zola dans son article « J’accuse » paru dans « l’Aurore » du 13 janvier 1898. .