"Vers le vrai, vers la vie". Ainsi vont les choses chez la dernière merveille obstinément rock de Gus Van Sant. C'est donc en beauté (lacérée) et en fraîcheur (éthérée), que la trilogie des chroniques d'humains vivant leurs dernières heures dans un monde qui ne répond plus de rien, ni d'eux, avant leur entrée définitive dans une mort chronométrée, se termine. Gus guide son troisième choix sur un fait nettement plus médiatique... Ou presque. Les derniers jours de Kurt Cobain, visage du groupe Nirvana, procréateur du mouvement grunge et rock star vénéré, inspirent ceux de Blake, le "Kurt Cobain" de Gus Van Sant. L'inconscient créé de ce personnage charismatique et barré dans son univers fauché et suicidaire, est inondé par l'interprétation de Michael Pitt qui déverse corps (ce qu'il en reste) et âme (dans toute sa spiritualité). La mort qui approche, bourdonne dans l'intérieur profond de Blake, celui-ci déambule dans la forêt, marmonne ce qui lui vient à l'esprit, écoute les portes claquées de son dédale psychique et l'eau coulée dans laquelle il patauge. Son art sensoriel veut être nourrit, il décide, loin de ses "amis", loin de la pression médiatique de sa carrière, loin des cures de désintox et des serments de ses proches, de goûter les dernières sensations d'une nature sauvage. La présence de la mort est pesante, les paroles des chansons, sombres et crues, y font songer. Quand l'instant crucial sonne les douze coups, nous prenons quelque chose en pleine figure, le regard de Blake, qui prend soudainement une prise de conscience importante, l'image fixe, perdure et l'irrévocabilité du geste fatidique prend acte. Si les armes d'"Elephant" nous avaient percé le coeur, "Last days" est la gratte que Pitt explose contre la sono (notre émotivité) à la fin du concert.