Reposant principalement sur les lettres écrites par le véritable Robert Gould Shaw, lesquelles sont précieusement conservées à la bibliothèque d’Harvard, et bien qu’ayant pris quelques libertés par rapport à l’Histoire (amenant du même coup quelques anachronismes que seuls les grands adeptes d’Histoire remarqueront), "Glory" est une superbe reconstitution historique. Ce long métrage nous intéresse à des pages authentiques et peu connues de la Guerre de Sécession, et notamment à la création du 54ème régiment du Massachussetts, qui fut composé entièrement de soldats noirs volontaires (après la proclamation d’émancipation des Noirs par Lincoln), commandés par un très jeune officier, le colonel Robert Gould Shaw. Doté d’un budget très confortable en cette année 1989 de l’ordre de 18 millions de dollars, le réalisateur Edward Zwick a eu le souci de l’authenticité. L’esthétique a été soignée, tant au niveau de la mise en scène, que de la musique, de la bande son, des costumes et de la mise en images : les scènes de bataille aux nombreux figurants superbement orchestrées sont impressionnantes de réalisme, la pyrotechnie a été soignée, et les thèmes musicaux collent particulièrement bien à chacune des scènes qu’ils accompagnent. Ces grandes qualités techniques rendent le récit prenant et suffisent à elles seules à obtenir l’adhésion définitive du spectateur dès les premières images. Et puis nous découvrons les personnages principaux les uns après les autres, et force est de constater qu’ils deviennent tous attachants. Ainsi nous découvrons d’emblée le fameux Robert Gould Shaw alors seulement capitaine, campé avec beaucoup de brio par Matthew Broderick, superbe de subtile maladresse quant à ses nouvelles fonctions auxquelles il n’est pas préparé dans un contexte plus que particulier. Ensuite nous apercevons Morgan Freeman, dans un style de rôle auquel il ne nous a pas vraiment habitués (John Rawlins). Puis vient Cary Elwes, que j’ai trouvé excellent dans le rôle du major Forbes, ainsi que Andre Braugher très convaincant dans la peau de Thomas Searles, érudit comme l'étaient souvent les Noirs libres. Puis la caméra s’attarde sur deux personnages en particulier, qui vont rejoindre les côtés de ceux que je viens de citer. Ainsi nous découvrons Jihmi Kennedy, superbe avec sa gueule pleine de ruralité à l'image des origines de son personnage Jupiter Sharts, et Denzel Washington dans le rôle bien nommé Trip. Tous ceux que je viens de citer font preuve d’un charisme hors norme, mais c’est bel et bien Denzel Washington qui, bien que se tenant en retrait par rapport à la caméra la plupart du temps, crève littéralement l’écran, amenant du même coup la scène la plus intense émotionnellement parlant lorsque Trip se fait punir pour une supposée désertion.
Le voir subir les coups de fouet sans broncher, avec ce regard noir intensément fixe que même les larmes qui perlent avant de rouler sur les joues parviennent tout juste à troubler.
Je serai curieux de savoir comment il a vécu cette scène… Au vu de sa prestation, pas étonnant qu’il ait reçu un Oscar (meilleur acteur dans un second rôle). A propos de récompenses, "Glory" a reçu aussi les Oscars du meilleur son, et de la meilleure photographie pour Freddie Francis. Et c’est vrai que certains plans restent encore durant de longues heures dans l’esprit du spectateur, tout comme la musique, relativement éclectique : marches militaires décidément entêtantes, thèmes plus doux pour souligner les moments plus graves, et même du gospel pour partager un moment d’intimité ponctué de main de maître par Denzel Washington. A cela s’ajoutent des scènes qui suscitent un profond dégoût
(quand le village se fait incendier)
, mais aussi des scènes particulières comme ce face à face entre Rawlins (Morgan Freeman) et Trip (Denzel Washington) dont le propos donne à réfléchir, ou encore lorsque le colonel intervient en personne auprès de la logistique
pour obtenir les chaussures qu’il demande depuis longtemps
. Parsemé de scènes fortes, "Glory" est donc une des meilleures fresques sur la Guerre de Sécession qu’il nous a été permis de suivre, mais aussi une des meilleures réalisations d’Edward Zwick, dont chaque séquence a été sublimée par les notes de James Horner, qui a su se porter à la hauteur des événements en se surpassant. Incompréhensible que cette réalisation épique soit retombée plus ou moins dans l’oubli. Pour réparer cette injustice, à nous de redonner à "Glory" ses lettres de noblesse. Car Glory n’est pas seulement un film sur le patriotisme, le courage et la gloire dans cette chienlit qu’est la guerre ; c’est aussi une belle leçon de respect et d’humilité envers les autres races humaines quelles qu’elles soient. Car comme l’a justement affirmé Trip lors de son court oratoire : "nous sommes tous des hommes".