Le Corbeau, film à la fois gênant et passionnant, à la fois fantastique (par la création du "monstre") et horrifique, est réussi. Il marque un jeu d'acteur brillant, que ce soit le grand Bela Lugosi, toujours imposant par sa taille, dominant par son regard, supérieur oralement par son accent, ou alors Boris Karloff, ici presque réduit au silence, mais jouissant d'un coeur tendre malgré ses horreurs commises ou son physique des plus repoussant, les deux légendes du cinéma horrifique fantastique des années 30-40, époque de l'âge d'or de ces deux genres, sont justes, bons et présentent un talent intemporel. Intemporel oui, tout comme la mise en scène, 80 ans après le film, une tension est encore présente, légère, mais présente. Que ce soit lors de la scène où Bateman attache le Dr Vollin où lors de la séquence finale, une atmosphère, une sensation de poids se dégage, créant chez le spectateur une attirance particulière pour ce film. Le noir et blanc apporte beaucoup, point de vue lumineux évidemment mais aussi au niveau des acteurs, la lumière insiste, comme toujours, sur le regard de Lugosi, dégageant ainsi toujours plus de crainte. On retrouve d'ailleurs quelques "clichés" de ce genre de film, comme la passage secret dans le bureau du docteur, ou bien le domestique qui trahit son maître.
La durée du film, 60 minutes, permet de passer un bon moment, sans longueurs, avec un rythme toujours rapide et attirant. Ne s'attardant de fait rarement sur les détails, exemple de l'opération de Bateman, il aurait été intéressant de voir comment le réalisateur nous aurait fait découvrir cette "manipulation de l'homme". Enfin, les décors : petite déception. On retrouve Lugosi dans son rôle très fréquent d'homme riche, aristocrate et bien éduqué de fait, sa maison est grande, belle, il possède un domestique etc. Mais on nous parle de sa collection de machine à torture, et on ne nous en présente que deux, il aurait été faisable de nous en montrer d'avantage, pourquoi pas encore plus cruelle que celles présentées, sans pour autant les utiliser.
Le Corbeau est donc un film plaisant, ayant gardé une partie de son coté "épouvante", portant à son grade deux légendes intemporelles du cinéma, deux maîtres absolu, ajoutant un aspect durable au film, la preuve, on le trouve encore en magasin. Intéressant au niveau scénaristique, ou comment déjouer une nouvelle (celle d'Edgar Poe) pour la reconstituer à son image au travers d'un docteur fou, sadique, mais tout de même séduisant.