De romancier à scénariste, puis de scénariste à réalisateur. Michael Crichton ne cessera pas de nous surprendre, quel que soit le support utilisé. En avance sur l’ère technologique et toute autre avancée scientifique, il développe une dystopie éducative et divertissante, pour le malheur des ambitions les plus loufoques et les plus réalistes, rapprochant les hommes et les intelligences artificielles. Un regard vers le passé s’impose et les choix sont rigoureux, car chaque illustration des propos du réalisateur est nouée à la violence, et surtout la présence d’un libre-arbitre que notre société actuelle ne peut satisfaire. C’est pourquoi il y a l’idée d’un parc, d’attraction et d’escapade. La formule promet une évasion à toute épreuve, coupant radicalement les ponts avec la civilisation contemporaine. Delos saura donc nous guider vers la vérité.
Moyen-Âge, Empire Romain et Far West… trois univers qui ont marqué l’histoire de la culture occidentale. Le réalisme est au cœur du développement, c’est pourquoi les visiteurs viennent se ressourcer en régressant d’un cran dans leur mode de vie. La sensation est réelle et avant-gardiste, car la cible de l’œuvre reste évidemment le grand public qui affectionne les émotions fortes. Le but est tout de même de le faire douter, lui montrer que le spectacle vue des coulisses et sur scène n’ont rien à voir avec la relation entre le spectateur et son écran. Crichton nous invite littéralement dans son film, par le biais de deux américains en quête de désirs, en quête de repos.
Le fantasme a ses limites et la perte de contrôle des androïdes prouve que la conscience humaine est transposable à la machine. L’alerte retentit, alors que les machines reprennent de droit leur destin, erreur humaine. Entre l’habitué du parc et la nouvelle recrue, il existe un fossé qu’il nous ait donné de jauger. Le premier est d’aspect mécanique, malgré sa condition organique. Le second se laisse prendre par l’hésitation, seule barrière qui l’empêche de sombrer dans la routine protocolaire du parc. Cela peut paraître anodin et pourtant, la nouveauté de la violence banalisée est inquiétante. Le meurtre, le pouvoir, le contrôle,… ce sont des capacités que l’humain ne peut canaliser dans une époque où il est malade des règles qu’il s’est imposé. Or ici, il n’y en a pas voire plus. Le cowboy-robot (Yul Brynner) qui fait office de créature indomptable et indestructible est un redoutable adversaire pour les visiteurs, qui recherchaient pourtant la sécurité. Le paradoxe avec le réalisme d’un monde violent est donc de rigueur, car les deux extrêmes ne peuvent coexister.
En somme, « Mondwest », ou encore « Westworld » en version originale, est un techno-thriller de plus qui s’ajoute au palmarès de Crichton. Il y étudie l’impact du futur sur le passé avec ingéniosité, contrebalançant quelques règles qui sauront nous faire vibrer. Cependant, il est dommage de sous-exploiter deux univers pour le prix d’un western. Il aurait été judicieux de consacrer davantage d’épisodes qui montrent le soulèvement des robots dans des univers bien plus primitifs et tout aussi complexe. Le manque de budget pourrait justifier ce détail, c’est bien dommage. Le potentiel n’est exploité qu’au tiers, malgré une magnifique feinte scénaristique visant à standardiser la morale. Le frisson est tout de même préservé grâce au cowboy-robot, à défaut d’exploiter un meilleur filon que la traque sans fin. Mais comme on l’affirme toujours, haut et fort, parfois l’action vaut mieux que des beaux discours et c’est sur cette démarche que le premier long-métrage de Crichton percute et questionne sur la valeur d’une âme.