Il suffisait d'un fan hardcore de Frank Miller à la caméra pour que l'univers et le style résolument cinématographique de Sin City se voient transposés sur grand écran pour de bon. Rodriguez adapte ici 3 des 7 tomes qui composent l'oeuvre de Miller, pas dans l'ordre mais en se démenant pour ne pas laisser une case de côté, et j'exagère à peine. Si je dis "fan hardcore" c'est que Rodriguez est ici ultra-fidèle à l'oeuvre d'origine, il ne rajoute presque rien (si ce n'est une ou deux touches de "J'ai tué pour elle" dans les dialogues) et met très peu de choses de côté mais s'évertue à transposer à la perfection l'esprit du comics au format filmique. Et c'est très réussi puisqu'on a réellement l'impression d'enchaîner les cases d'un comics. Techniquement c'est une réussite totale, en plus de placer "Sin City" comme un OVNI du paysage cinématographique. Le noir et blanc est sans conteste l'un des plus réussis du cinéma, il donne au film un aspect feutré du plus bel effet, et Rodriguez use et abuse du gimmick visuel emprunté au tome 4 (qui l'a lui-même emprunté à "La liste de Schindler", mindfuck) qui consiste à faire ressortir un élément par la couleur, ça marche du feu de Dieu. Quant aux effets spéciaux et fonds verts aussi omniprésents que dans un film de Peter Jackson, ils remplissent également leur rôle à merveille et devraient réconcilier les plus cyniques avec cette technologie: ils ne font pas "vrai" mais contribuent justement à créer un univers avec une patte bien à lui, noir foncé avec ce qu'il faut de kitsch. Bref vous m'aurez compris, niveau adaptation c'est un excellent boulot. Et ce ne sont surement pas les chez les saintes écritures de Frank Miller que je vais trouver à redire. L'univers de Sin City est juste unique: à la fois violent, poisseux et érotique. Et puis "Sin City"est peut-être l'oeuvre la plus violent que je connaisse; pas la plus gore même si elle est définitivement bien placée là aussi, mais surtout il se passe rarement une minute sans qu'une forme de violence ne soit commise. Ultra-violent mais aussi ultra-esthétisé. Chaque scène et chaque réplique sont un morceau de bravoure, Miller étant de ces auteurs qui s'évertuent à rendre chaque aspect de leur oeuvre classe, ce qui fait que chaque scène est potentiellement culte. Il en va de même pour les personnages: même si pour le coup Dwight a moins de relief que ses compères, c'est qu'avec des pointures comme Hartigan, Jackie, Kevin (ouais bon, on ne juge pas sur les apparences hein) et la mortelle petite Miho, il a fort à faire. Et puis il y a Marv, définitivement l'un de mes personnages préférés, le Rorschach de Frank Miller. Déjà tellement badass que même si c'est qu'un dessin sur n bout de papier t'oses pas le regarder dans les yeux ni dire du mal de lui dans son dos. Alors maintenant qu'il y a Mickey Rourke derrière c'est encore mieux, d'ailleurs le casting est cinq étoiles de bout en bout. Bon puisqu'il va falloir que j'arrête vu que je suis pas sur mon blog, "Sin City" n'est pas non plus exempt de défauts (le film hein donc c'est la faute de Rodriguez, on TOUCHE PAS à Frank Miller): déjà adapter les tomes 3 et 4 ais pas le 2 handicape pas mal la compréhension de l'histoire de Dwight, d'autant que Rodriguez se refuse tout dialogue en extra pour éclairer un peu le spectateur. Et en parlant de la fidélité extrême du réalisateur, pour le coup prendre le risque de faire de ces trois intrigues une seule grosse trame quitte à remanier le scénar aurait moins nui au rythme, parce que oui le film accuse d'évidents problèmes à ce niveau-là. Ah et l'idée du générique de fin entre chaque intrigue, c'est nul et ça stoppe net le rythme par deux fois. Reste un quasi chef-d'oeuvre unique en son genre qui a pour lui de permettre à tous ceux hermétiques au style particulier de Miller de découvrir ses sacro-saintes œuvres.