Adapté de la BD (pardon, Roman Graphique) éponyme de Frank Miller, ''Sin City'' est un film réalisé justement par Frank Miller mais aussi par Robert Rodriguez (et Tarantino aurait mis la main à la pâte). Il connut un gros succès et a plus où moins acquis le statut de film ''culte''. On pourrait grossièrement expliquer ce triomphe par trois éléments restés célèbres : un casting de délire (Bruce Willis, Mickey Rourke, Clive Owen, Jessica Alba, Rosario Dawson et Benicio del Toro pour ne citer qu'eux), un noir et blanc tape-à-l'oeil et surtout une accumulation de violence parfois inouïe.
Pour parler de cette ville du vice et du péché, trois histoires nous sont contées. 1ère histoire : Hartigan (Bruce Willis) est un flic qui sauve Nancy Callahan (Jessica Alba) des griffes d'un horrible pédophile, Harry Roark Jr. (Nick Stahl), fils de sénateur. Huit ans plus tard, Hartigan retrouve Nancy et va de nouveau la protéger du Yellow Bastard. 2ème histoire : Marv (Mickey Rourke) est un colosse brutal qui traquera les meurtriers de Goldie (Jaime King), une prostituée avec qui il a passé la nuit. 3ème histoire : Dwight (Clive Owen) protège les filles du bas quartier (Rosario Dawson et d'autres...) de Jackie Boy (Benicio del Toro), un flic ripoux.
Saleté de ville ! A Sin City, ville en noir et blanc, il n'y a que des pourris. On se flingue, on se coupe en morceaux, on se torture... pas de place pour les minus ! Pour parler de ce véritable lieu sans loi (mais pas forcément sans foi), Rodriguez n'y va pas de main morte. Sa mise en scène est à l'image de son scénario : hystérique et violent. On est dans un premier temps happé par tout ce que nous propose Rodriguez (qui n'est pas uniquement réalisateur, mais aussi chef opérateur, monteur et compositeur!). Mais, assez vite, on finit par se lasser, pas seulement à cause de cette surenchère de violence, mais surtout à cause de cette laborieuse construction narrative. Le principe de raconter dans le désordre plusieurs histoires en les connectant ? C'est évidemment à ''Pulp Fiction'' de Tarantino (1994) que l'on pense. Mais là où Tarantino proposait et la reconstitution totale du puzzle et surtout de la variété dans le contenu, Rodriguez propose trois histoires à peine (et mal) liées entre elles. Par ailleurs, on comprend très bien avec une seule histoire où Rodriguez veut en venir. Pas sûr donc qu'en rajouter deux est une bonne idée. On sauve les histoires avec Rourke et Willis, en revanche on digère assez mal celle avec Clive Owen (certes la plus originale).
D'abord elle a tendance à partir dans tous les sens et enfin elle se conclut par une scène de massacre très problématique
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On est séduit par plusieurs fulgurances visuelles qui viennent aisément (quoique) racheter le peu d'incarnation des personnages. Rodriguez a un peu forcé sur les voix rauques des hommes et l'aspect sexy des femmes, ce qui finalement offre un éventail bien peu divers pour une ville. Non, ce qui nous plaît vraiment dans ''Sin City'' , c'est l'originalité se cachant dans les détails, hélas trop réduits. Comme par exemple ces deux types qui ne s'expriment qu'avec un langage châtié dans l'histoire avec Bruce Willis. On aime aussi le rôle (muet et terrible) tenu par Elijah Wood, malheureusement trop court, qui apparaît dans l'histoire avec Mickey Rourke. Ou encore dans l'histoire avec Clive Owen, ce sbire tatoué d'une croix nazie qui constate calmement qu'il s'est pris une flèche en plein ventre.
Mais ''Sin Cty'' est un film qui laisse un goût assez aigre après visionnage. Ce n'est pas tant la violence qui gêne mais plutôt la morale que ce film nous livre. Outre le fait que la violence est ici (et indubitablement) complaisante, ''Sin City'' semble perpétuer la morale qu'on peut parfois trouver dans des films américains (comme dans le plus mauvais Tarantino, disons... ''Boulevard de la mort'' en 2007). Une morale pire que la loi du talion qu'on résumerait par : un horrible peut faire des choses horribles, du moment que sa victime est encore plus horrible que lui. C'est particulièrement flagrant dans l'histoire avec Clive Owen
et son massacre (où Rodriguez, au prétexte que les ''méchants'' sont issus de la pègre, organise un massacre qui se voudrait réjouissant et mais qui est plutôt répugnant)
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Ambigü dans ses intentions (in n'y a qu'à voir les opinions politiques de Frank Miller pour s'en convaincre), brouillon dans sa construction, ''Sin City'' est néanmoins d'une incontestable beauté formelle. C'est ce qui sauve ce film du désastre. A voir avec modération.