« T’es pas encore un mec fini. »
Changeant de sujet après le western (trilogie mexicaine dont l’excellent Mariachi), les vampires (Une nuit en Enfer), les extraterrestres (The Faculty) et les films pour enfants (Spy Kids), Robert Rodriguez s’attaque aux films noirs, en s’associant à un réac notoire (et reconduisant sa collaboration avec Tarantino).
La première scène impliquant le trop méconnu Josh Hartnett (The Therapy mais aussi la série Penny Dreadfull, basée sur le même principe de culture populaire que le Pulp Fiction de Tarantino), je me dis que ça ne sera pas mauvais, d’autant moins que Rodriguez excelle dans ses expériences tout autant qu’il déçoit dans leur reconduite.
Quoi qu’il en soit, ce film se résume à une suite de scènes, précisément comme dans Pulp Fiction, toutes plus noires les unes que les autres, graphiquement irréprochables, rendant admirablement bien les tonalités des comics, mais laissant un goût amer au niveau de la réflexion. Le mal est partout, comme une obsession paranoïaque, survivaliste et libertarienne, voire complotiste, faisant l’apologie de la violence tout en prétendant la combattre, prônant un retour à l’ordre moral (pour les autres) et à la liberté absolue (pour soi), dénonçant les pédocriminels tout en surfant de manière très malaisante dans quelque chose qui ressemble à de la fascination pédophile. Les dialogues, s’ils peuvent parfois s’élever, un peu à la manière d’un Audiard fatigué, sont prévisibles et ressassés, truffés de passéisme ridicule, de sexisme acnéique et de racisme pas nécessairement au second degré. L’interprétation stéréotypée à la première personne, censément rendre hommage au cinéma et à la littérature noires des années ‘30, ‘40, finit vite par devenir lassante et, pour tout dire, grotesque. On se demanderait presque si ça n’est pas une parodie du trio ZAZ. Mais non. Parce qu’en plus ça manque terriblement d’humour.
Au final, si l’objet cinématographique est pas mal, même si on finit par se lasser des effets dès la 15ème minute, le film dans ce qu’il a à raconter est une daube fascistoïde et primaire, voire primate, scénarisée par un créateur qui gagnerait à se faire soigner. On assiste en effet, hélas, à ce genre de discours perverti qu’on entend beaucoup trop souvent de nos jours, complètement autocentré dans une position victimaire.
Chaque partie de l’histoire raconte en effet toujours la même litanie du pauvre petit viriliste au coeur pur rattrapé par les méchants pourris et seulement sauvé, parfois, par des prostituées.
Je n’aimerais vraiment pas vivre dans la tête malade de Frank Miller.
Quant à Robert Rodriguez, il a indéniablement du talent mais on peut se demander pourquoi il met autant d’énergie à le diluer ainsi dans la fange de tels fantasmes à la fois puérils et malsains.