Kiss Kiss, Bang Bang
Un film de Shane Black
Scénariste inspiré et novateur, Shane Black a inventé plusieurs des succès (commerciaux ou critiques) de ces vingt dernières années. L’Arme Fatale, le Dernier Samaritain, Last Action Hero ou encore Au Revoir à Jamais, font en effet partie de son riche palmarès.
Né en 1961, le scénariste aux multiples facettes n’a pas attendu longtemps avant de connaître le succès. En 1986, il vendait l’histoire du premier Arme Fatale, pour ensuite dicter sa loi à un genre qu’il avait grandement contribué à créer. Les « action movies » flirtant avec la comédie allaient devenir sa chasse gardée, avec une prédilection pour les tandems aussi dissemblables qu’improbables. Et puis soudain, il disparut. A part un petit rôle de mercenaire porté sur les blagues bien grasses dans le premier Predator, on n’en entendit plus parler.
Le voir revenir, pour se mettre derrière la caméra en s’appuyant sur un scénario écrit par ses soins était déjà une bonne surprise. Mais de là à l’associer à deux des comédiens les plus illuminés du marché, on n’en espérait pas temps. L’incorrigible Robert Downey Junior et la forte tête Val Kilmer font en l’occurrence partie de l’aventure et cela, c’est vraiment la cerise sur le gâteau. Kiss Kiss, Bang Bang est un polard nerveux, cynique, truffé de répliques qui font mouche à tous les coups. Usant tour à tour de la dérision et du décalage, Shane Black a créé une histoire fouillée avec ses faux-semblants, ses références au genre, sans oublier de prendre certaines libertés.
C’est d’ailleurs peut-être ce rapport fluctuant au genre qui rend le film si particulier. Toujours sur le fil du rasoir, Kiss Kiss, Bang Bang entraîne le spectateur au cœur d’un tourbillon, un tourbillon jamais à court de petites trouvailles. Le récit nous convie aux tribulations d’un escroc à la petite semaine. Celui-ci va se retrouver embringué dans une rocambolesque histoire de meurtre, qu’il va nous raconter dans le détail, puisqu’ affublé du rôle de narrateur.
Le film s’ouvre sur un flash-back qui donne le ton. Après un casse un brin raté dans un magasin de jouets, Harry Lockart se retrouve au bord d’une piscine, à squatter une « party » à Los Angeles. Les couleurs rapprochent le film de l’univers du film noir, d’autant que certaines images se démarquent par leur crudité. Les dialogues fusent de toutes parts, à un rythme qui jamais ne se relâche. Le film emporte le spectateur dans une ballade à la fois mouvementée, hilarante et cruelle. De nouveaux éléments font leur apparition toutes les quatre minutes, sous le regard hagard de Robert Downey Junior. Les yeux de chien battu du comédien font merveille et alternent avec son air halluciné. Plus rarement, son expression se fait sombre.
Alors, évidemment, on aurait pu craindre une incursion dans le pathos, vue la nature de certaines situations. Mais ce n’est pas le genre de la maison. Le mélange électrique qui va être le quotidien d’Harry Lockart pendant quatre jours lui en fait voir des vertes et des pas mûres. Jamais au bout de ses peines, le personnage, attachant, se cherche. A travers ses talents encore incertains de narrateur, il mêle habilement le chaud et le froid, augmentant la désorientation du spectateur. Si on ne sait jamais vraiment où on en est, cela ne nuit cependant pas à la crédibilité de la trame.
Essentiellement filmé de nuit, Kiss Kiss, Bang Bang crée une atmosphère à part, entre film noir, parodie (légère) et « action movie ». La bande son traduit parfaitement cet état d’esprit, puisqu’aux côtés des Ventures, Black Nasty, Les Brown ou encore Campo, on aura le plaisir d’entendre Felix Da Housecat, Sheryl Crow et même Robert Downey Junior, qui nous fait découvrir une autre facette de son talent en interprétant un lancinant « Broken ».