Après avoir connu un petit coup de mou au début des années 1960, le western retrouva un second souffle à partir du milieu de la décennie, jusqu'au début des années 1970, grâce à des cinéastes qui, chacun à leur façon, ont revisité le genre : Sergio Leone à la sauce spaghetti (Pour une poignée de dollars), Sam Peckinpah en stylisant l'hyperviolence (La Horde sauvage...), Arthur Penn avec un esprit de dérision et le souci de rétablir quelques vérités (Little Big Man), Robert Altman en montrant l'envers peu reluisant du décor (John McCabe), Sydney Pollack dans une veine écolo (Jeremiah Johnson)... George Roy Hill, lui, a misé sur le charme et l'humour, avec un je ne sais quoi de romantique. S'appuyant sur des personnages et des faits réels, le scénario de Butch Cassidy et le Kid n'a cependant pas de grandes prétentions historiques ; il témoigne avant tout d'une volonté d'humaniser la légende. Les deux personnages principaux sont moins des terreurs de l'Ouest que des bandits attachants et plus ou moins dépassés par la tournure des événements. Deux braves gars insouciants, jouisseurs, insolents. Pas des lumières (il faut les voir réviser leur espagnol avant de braquer leur première banque en Bolivie...). Presque des hors-la-loi malgré eux (leur tentative pour retrouver le droit chemin tourne court). Ce sont surtout deux êtres épris de liberté, rêvant sans cesse d'un ailleurs meilleur, jusqu'au dénouement. Une liberté qui s'exprime aussi sur le plan amoureux, avec la présentation d'un ménage à trois, où l'hétérosexualité apparente cache aussi peut-être une homosexualité en filigrane (le vrai couple, avec ses querelles, ses projets d'avenir, est formé par Cassidy et le Kid, la femme n'ayant qu'un rôle mineur). Bref, ce sont autant de thématiques qui entrent en résonance avec l'époque du tournage du film, la fin des années 1960, et qui expliquent en partie son succès. En partie seulement. Car le film a bien d'autres atouts, à commencer par le potentiel glamour du tandem Newman-Redford (tandem qui se reconstituera en 1973, pour L'Arnaque, sous la houlette du même George Roy Hill). L'opération séduction fonctionne ici à merveille. Il y a aussi le soin apporté à la photo, avec quelques bonnes idées, les teintes sépia donnant par exemple une jolie touche mélancolique au film, exprimant la fin d'une époque, celle des légendes de l'Ouest. Et enfin la musique, signée Burt Bacharach, qui épouse parfaitement la tonalité singulière de l'histoire, entre légèreté joyeuse et tragédie latente. Cerise sur le gâteau : la célèbre chanson Raindrops keep fallin' on my head.
Au final, Butch Cassidy et le Kid n'est peut-être pas d'une profondeur mémorable, mais il n'a pas pris une ride avec le temps, conservant intacts son charme, sa fraîcheur, son émotion. Du plaisir sur pellicule.