Ce qui manque souvent aux films sur les violences conjugales à mon avis, c'est de proposer une solution aux problèmes qu'ils dénoncent. Ils se veulent sociaux et psychologiques, mais à bien y regarder ils vont rarement au fond du problème, se contentant de "faires réfléchirent" – ce qui est nécessaire en soi bien sûr, mais un peu insuffisant quand on est déjà informé·e sur le sujet. Te Doy Mis Ojos a cette qualité intéressante de planter un personnage de psychologue, et un mari qui, à défaut de bien s'y prendre voire de pouvoir changer au bout du compte, prend son traitement au sérieux et s'y dévoue jusqu'au bout (même si ce bout n'est pas celui qu'il attend). Faire autant de scènes sur les galères de l'homme à sortir de ses schémas nocifs était un choix risqué, et l'on pourrait presque croire que Bollaín adopte le point de vue de la toxicité masculine ; pourtant elle les remet plus que jamais dans un contexte bien nécessaire. Le principe : comprendre sans justifier, empathiser sans excuser.
Sur le coup, la fin me convainquait moins : le couple se sépare après une énième deuxième chance accordée par la victime, ce qui paraît dénué de morale filmique au premier abord puisque les efforts du perpétrateur se trouvent sans récompense. J'ai été trop habitué·e aux happy ends : à la réflexion, cette fin est la seule que j'aurais dû pouvoir attendre, la plus pragmatique, celle où la victime prend enfin la décision qu'elle aurait dû prendre depuis le début : se casser. Bollaín a réussi à me manipuler juste assez pour que je prenne malgré moi, l'espace d'un instant, le parti de ce personnage violent qui me repoussait pourtant tellement. Et ça prouve deux choses : un jeu d'acteurs aveuglant, et une écriture magistrale derrière une apparence austère.