En 1970, avec « Un homme nommé Cheval », Elliot Silverstein nous fait découvrir les aventures de ce riche anglais capturé par des Sioux, initié à leur coutume avant de combattre avec eux et de finir par voir sa peau…virer au rouge. Un film déroutant pour l’ado que j’étais lors de sa découverte, avec sa mise en scène plus proche d’un docu ethnologique ou des peintures de Catlin, que des images fordiennes fantasmées pendant mes dernières séances! Exit les clichés de la mythologie westernienne avec ses grands guerriers et leurs somptueuses coiffes en plume d’aigle, leur jambières et gilets décorées de scalp et de perles, chevauchant de puissants Appaloosa, pour défier le 7e de cavalerie et leurs beaux soldats bleus chargeant héroïquement sous l’hymne du Garry Owen.
Depuis le début des 70’s à travers des films comme le « Major Dundee », « Little Big Man », « Le soldat bleu »… les guerres indiennes ont pris une autre coloration. Plus violentes, plus empreintes d’un certain souci de réalisme, moins folklorique, le tout au service d’une sorte de « réhabilitation ». Une impression que confirmeront « Le convoi sauvage », « Jeremiah Johnson» et autre « The Missouri breaks », des œuvres beaucoup plus naturalistes.
Un réalisme qui traverse encore ce second opus où l’on retrouve le personnage de Morgan à nouveau incarné par Richard Harris, parfait pour personnifier ce choc de culture avec ce dandy chez « les sauvages ».
On le découvre de retour à la civilisation dans sa vie confortable d’aristocrate partagée entre chasse a cour et autres mondanités, jusqu’au jour où les nombreux trophées indiens trônant dans sa chambre cossue, viennent lui rappeler que « Horse » sommeille toujours en lui, même trois ans après... Alors qu’il ignore que « sa » tribu subit un massacre (rappelant celui, historique, de la Washita river du « soldat bleu »), il se décide à repartir. Difficile de ne pas penser au futur lord « Greystoke » et a Christophe Lambert…
Le «j’espère que Monsieur trouvera ce qu’il cherche » de son majordome est sans ambiguïté sur la nature véritable de sa mission.
S’il retrouve bien le clan, en parti décimé, chassé de leur plaine verdoyante vers des terres arides et désertes, qu'il veut les aider à délivrer les femmes enlevées, a retrouver leur fierté, c’est surtout dans les paroles de la vielle indienne Caribou que sa quête prend tout son sens :« Oublier toi, c’est ça qu’il faut ! Passer 4 jours et 4 nuits. Purifier ton corps, chercher des visions. Il faut souffrir pour ton peuple. Ensuite toi pouvoir renaître ! » Car c’est bien cela dont il est question: un nouveau voyage initiatique, un profond questionnement existentiel à travers une sorte de thérapie pour une nouvelle renaissance.
Quatorze ans avant kevin Costner, Irvin Kershner réalise son “Danse avec les loups », sans canidés mais avec un passage par « case initiatique » en plus. Et quel rituel ! S’il était déjà présent dans le premier volet, aussi fortement gravé dans mon esprit que ces griffes d’os dans les chairs de l’anglais, cette scène choc d’« un homme nommé cheval » est ici mieux développée, plus longue, plus éprouvante. La violence de cette « suspension » est à la limite du supportable, aussi éprouvante que celle de l’indien s’automutilant en se lardant les yeux s’avère déconcertante, tout comme ces visions mystiques pendant ce trip halluciné, avec cette confrontation John/ horse, et les échanges de corps ! C’est incontestablement tout ce passage qui fait de cette « revanche » un film singulier, une œuvre à part.
Malgré une légère similitude avec le « little big man » d’Arthur Penn, mais en beaucoup moins picaresque, on devine surtout les contours des aventures que John Dunbar mènera quatorze ans plus tard dans les plaines du dakota.
Œuvre à l’évidente portée naturaliste, profondément humaniste, non dénuée de quelques longueurs, certaines scènes purement contemplatives ayant tendance à s’étirer durant les trois premiers quarts du récit, Kershner fait basculer son film dans un final trés épique. Un dénouement « revenge » beaucoup plus dans les standards du vieil Hollywood avec l’attaque du fort, l’occasion de revoir cette bonne trogne de Geoffrey Lewis en chef des trappeurs.
Harris avec ce triptyque « Un homme nommé cheval » (le troisième opus est sans intérêt !) et son rôle post « The revenant » de trappeur dans « Le convoi sauvage » confirme qu’il a un solide sens de la survie en milieu hostile, et apporte ainsi ses lettres de « noblesse » a ce sous genre. De son côté Kershner rajoutera en 1980 une étoile de plus au space opéra de Georges Lucas avant un autre homme nommé… Bond.
Quant à moi je conserve toujours un regard attendri pour les récits de cet « homme nommé cheval » qui sonnaient le chant du cygne du western humaniste avant son prodigieux revival de 1990.