Adaptation d'un des chefs d'oeuvre du maître français du polar Jean-Christophe Grangé, "L'empire des loups" a eu le malheur d’être confié à Chris Nahon, poulain de l’écurie Besson à la réalisation efficace mais tapageuse, et surtout co-scénariste. Et c’est à croire que Nahon, à la façon de Besson sur "Les Rivières Pourpres 2", n’a pas su saisir l’essence de l’univers de Grangé, profondément sombre et intrigant et surtout très pessimiste. La réécriture de l’intrigue à mi-bobine est donc un véritable sacrilège pour les lecteurs mais surtout une aseptisation du propos et des personnages qui dessert terriblement le film. Le personnage de Anna (Arly Jover qui souffre d’un doublage voyant) se transforme en Nikita au destin bien moins tragique que dans le livre. Le ripoux Schiffer (indispensable Jean Reno, égal à lui-même malgré un look improbable) s’avère être un clone border line du Commissaire Niémans des "Rivières Pourpres" alors que son modèle papier est bien plus trash et surtout beaucoup moins gentil. Idem pour le jeune Nerteaux (Jocelyn Quivrin très bien… et surtout bien mieux que ce qu’aurait pu donner Olivier Martinez pressenti au début) qui perd toute sa psychologie (avec sa vie de famille difficile pour se cantonner au rôle du flic intègre en opposition à Schiffer. A trop vouloir pomper "Les Rivières Pourpres" (description des personnages, relations entre les 2 flics, meurtres sauvages…), Chris Nahon a un peu saccager l’exceptionnel potentiel du roman qui est, aujourd’hui encore, l’oeuvre de Grangé la plus impitoyable vis-à-vis de ses héros. Car la grande erreur de "L’Empire des loups" est d’avoir gommé la principale qualité du livre, à savoir la mort inattendue (et parfois précoce) des héros. Le traumatisme du lecteur ne fait donc jamais place au choc du spectateur sur ce point, Nahon faisant survivre les personnages principaux, en contradiction totale avec le ton du film. En même temps, difficile de tuer Jean Reno, star du box-office et tête d’affiche imposé (au détriment des autres personnages) à la moitié de l’histoire. Maintenant, il est certain que je ne serai pas aussi dur avec le film si je n’avais pas lu le livre depuis. Car, à la sortie de la salle, j’avais apprécié la réalisation nerveuse de Chris Nahon et ses scènes mémorables (la visite chez le caïd Marius, l’attaque du hammam, la fusillade au cimetière…), la pléiade de 2nds rôles parmi lesquels la stricte Laura Morante (un autre rôle sacrifiée), le trop rare Patrick Floersheim, Philippe Bas, Elodie Navarre, Jean-Michel Tinivelli… J’avais déjà été un peu désarçonné par le final trop abrupt et un cloisonnement entre les 2 intrigues (la quête d’identité d’Anna, d’une part, et l’enquête sur les meurtres, d’autre part) assez mal exploité (erreur que "Les Rivières Pourpres" n’avaient pas commises). Le film reste un bon divertissement d’une noirceur pas si commune pour ce genre de productions mais qui, une fois encore, souffre de la comparaison avec l’illustre roman dont il est tiré.