Pendant la projection de Rois et Reines (grosse galette indigeste dont la pâte s'effrite très vite et dont la fêve m'est restée en travers de la gorge) j'avais l'impression que les personnages sur l'écran parlaient de choses dont eux seuls étaient au courant. Comme si j'avais manqué le début du film. Comme lorsqu'on arrive à un dîner déjà commencé, et qu'on ne sait pas de quoi parlent les convives. Comme les conversations qu'on subit sans vouloir les écouter, au restaurant, dans le métro, ou dans la rue. J'ai été aussi très mal à l'aise devant le jeu -volontairement décalé et théâtral, mais dans quel but?- de certains comédiens, Devos en tête, carrément mauvaise par moments. Et pas assez jolie, je regrette, pour ce personnage dont on répète sans cesse qu'elle est belle. Plusieurs scènes sont vraiment inutiles et/ou ratées. Le long monologue de la fin dit par Amalric, est un plaisir d'auteur, d'écrivain, une branlette littéraire, mais pas cinématographique pour un sou. C'est paradoxalement le moment du film qui m'a le moins déplu, car le dialogue a ici un sens. Mais il arrive trop tard dans le film, on a déjà décroché. Il est très intéressant de voir à quel point la critique et le public sont partagés, et opposés, et assez navrant de constater que la critique, unanime, encense ce film trop long, mal monté, mal foutu, globalement mal joué, mal "honnête". Ce phénomène dichotomique apporte la preuve, s'il en fallait encore une, du peu de crédit qu'il faut aujourd'hui accorder aux critiques de cinéma. En portant aux louanges un tel film, la critique va à coup sûr dérouter le public, le décevoir et l'agacer. Les spectateurs tourneront le dos au cinéma français, se méfiant désormais de l'imposture révélée des critiques dithyrambiques. Et d'authentiques bons films en pâtiront.Jean-Louis Bory, Jean de Baroncelli, vous nous manquez. Je donne une étoile pour Catherine Deneuve, Maurice Garrel et Andrée Tainsy.