En regardant "Tatie Danielle", il m’est revenu le refrain d’une chanson : "Cette fille-là mon vieux, elle est terrible !" Bien entendu, Johnny Hallyday ne parlait absolument pas de Tatie Danielle, mais cette parole-là est très à propos concernant cette mamie. D’autant plus que le slogan trônant fièrement tout en haut de l’affiche, bien au-dessus du titre et du nom du réalisateur, vient annoncer la couleur : "Vous ne la connaissez pas encore mais elle vous déteste déjà". En la regardant évoluer tout au long de ce métrage, on ne peut que se rendre à l’évidence : cette annonce est vraie. Mais ce que le slogan ne dit pas, c’est qu’on se surprend à vouloir lui rendre la politesse, jusqu’à lui octroyer quelques noms d’oiseaux bien mérités. Chers lecteurs, chères lectrices, soyez les bienvenus dans cette comédie satirique qui a fait grand bruit en ce début des années 90. Si vous n’avez pas aimé "La vie est un long fleuve tranquille" comme moi, n’en tenez pas compte. Nous avons pourtant affaire au même réalisateur, en la personne d’Etienne Chatiliez, qui a aussi co-écrit le scénario avec Florence Quentin. Son talent est indéniable, et avec la participation succulente de Tatie Danielle alias Tsilla Chelton (alors vieillie de 20 ans pour les besoins du film), le cinéaste va réussir la prouesse à nous faire rire (et même halluciner) de la méchanceté d’une vieille dame. Mais pas seulement : Tatie Danielle fait partie de ces personnages qu’on adore détester. L’adorer, c’est possible, ça ? Bien sûr, parce qu’il faut là aussi se rendre à l’évidence : qu’est-ce qu’elle nous apporte comme répliques cultes !
Un petit exemple ? Allez, soyons fous. Quand sa gouvernante (ou sa domestique, ou sa garde ou sa souffre-douleur, c’est comme vous voulez) lui apporte son yaourt et qu’elle donne à manger aussi au chien, voilà ce que la Tatie Danielle lui balance : "Ma pauvre fille, je ne vois pas pourquoi vous lui mettez un journal par terre. Il mange plus proprement que vous !"
Le ton est donné… pour un show tournant autour de cette vielle dame qui raconte tout à son défunt mari immortalisé dans un cadre photo. Ainsi on constatera que, sous la vivacité de son œil et de son esprit, la mauvaise foi ne l’étouffe pas, que le mensonge lui donne des ailes, qu’elle est une manipulatrice diabolique, et on peut même y voir une malice pétillante dans son regard sur les plans portrait, lesquels amènent une photographie plus qu’intéressante. Plus que crédible, très photogénique, Tsilla Chelton a visiblement pris un malin plaisir à interpréter le rôle-titre, et elle n’aurait franchement pas volé son César si elle l’avait emporté. Oui, la comédienne est terrible, oui la Tatie Danielle l’est aussi, mais pas dans le même sens du terme. Au contraire, on aurait presque envie de lui faire les pires crasses, et tant pis si on commet l’irréparable. Bon débarras ! Sauf que l’écran sert d’arbitre, et heureusement car nous allons de surprise en surprise tout au long du film. On pense avoir dépassé l’entendement assez rapidement ? Que nenni ! A partir du moment où on lui jette une nouvelle garde en pâture, ça va être la guerre ! Et quand je dis la guerre, je pèse mes mots !
Ca prend même des airs de Beyrouth !
La nouvelle venue permet de franchir un cap dans cette chronique grinçante en apportant à son tour son lot de répliques cultes. Un petit exemple ? Je vous laisse les découvrir… Je ne vais pas tout vous raconter quand même ! Toujours est-il que Tsilla Chelton et Isabelle Nanty forment un duo d’enfer pour notre plus grand plaisir. Des comédies comme celles-là, on en redemande tellement c’est savoureux et jubilatoire. Plus qu’une comédie satirique, c’est une comédie culte au cours de laquelle
la gifle donnée est… une vraie gifle. En effet, au bout de plusieurs prises, Tsilla Chelton a demandé à Isabelle Nanty de ne pas avoir peur d’y aller, cette dernière lui caressant jusque-là plus le visage qu’autre chose, et on peut aisément le comprendre, vu la grande différence d’âge. Mais encouragée, Isabelle Nanty y est allée franchement et Tsilla Chelton est réellement tombée par terre. Ce sera la prise qui sera gardée dans la boîte. Vous peinez à le croire ? Revisionnez la scène attentivement et vous verrez que la joue de Tsilla Chelton est aussitôt devenue rouge cramoisie. A y être, ne revisionnez pas seulement cette scène : revoyez ce film dans son intégralité. Pour ceux qui ne le connaissent pas, n’hésitez pas à le découvrir,
vous allez vous prendre une baffe, voire être sidérés (pour ne pas dire choqués) par certains faits.