Au milieu de la programmation du onzième Festival du Film Fantastique de Gérardmer, Love Object sortait du lot. En effet, son thème le plaçait a priori aux confins du Fantastique, quelque part entre le délire paranoïaque et la comédie noire.
Le metteur en scène, Robert Parigi, avait d’ailleurs pris la peine de venir présenter son film à FANTASTIC’ARTS. Au cours de son intervention, il avait tenu à prévenir les spectateurs du caractère non conventionnel de son film. Il s’agissait là d’une volonté louable, mais qui démontrait sa méconnaissance du public auquel il s’adressait. Car à FANTASTIC’ARTS, les spectateurs sont depuis longtemps habitués aux multiples variations du genre, puisque c’est l’un des objectifs principaux du Festival.
Love Object nous ouvre les portes d’un univers froid. Dans un monde aseptisé, nous faisons la connaissance de Kenneth, petit cadre hyperactif. Célibataire bien propre sur lui, un brin coincé, Kenneth s’abrutit de travail au sein d’une entreprise qui conçoit des manuels d’utilisation à partir de données trop techniques pour le simple quidam. Toute son existence s’articule autour de son travail et du stress qu’il engendre. Face à ce descriptif déprimant, on voit mal comment la situation pourrait être plus sombre. Et pourtant. En introduisant une autre personne dans le cadre de travail si rigide de Kenneth, Robert Parigi met en place un détonateur, pour finalement atteindre les sommets de la névrose.
En effet, les délais imposés au jeune homme sont très courts. Dès lors, son supérieur va lui proposer, ou plutôt lui imposer une assistante. Contraint de travailler avec une personne « étrangère », le petit cadre modèle va alors s’enfoncer chaque jour un peu plus dans la folie. C’est à partir de sa perception de la femme, idéalisée, que tout va s’enchaîner. Car son imagination, loin d’être canalisée par son activité débordante, va le pousser à commander une poupée à l’image de sa nouvelle assistante. La conception de ces poupées, révolutionnaire, permet en l’occurrence au futur acquéreur de créer une entité remplissant un certain nombre de critères physiques définis par lui-même lors de la commande.
A partir de la livraison, qui donne au réalisateur l’occasion de nous livrer une petite scène de comédie, nous pénétrons dans un monde où la notion de réalité devient floue. Pour comique qu’elle soit, la réception de la commande sous la forme d’une grande caisse bien trop volumineuse pour entrer d’un seul coup n’en marque pas moins un tournant. De simple jouet à caractère essentiellement sexuel au début, la poupée va voir son rôle évoluer rapidement. Le transfert de la femme que Kenneth voudrait avoir vers la poupée va s’accentuer, jusqu’à ce que son intérêt pour sa compagne artificielle tourne à l’obsession.
Robert Parigi va alors au cœur de son sujet. Nous sommes les témoins privilégiés d’un basculement dans la folie. Car la nouvelle acquisition, au lieu de pousser le jeune cadre à aller de l’avant dans sa relation avec son assistante, l’amène au contraire à s’enfermer dans un monde créé de toutes pièces, un univers basé sur une relation virtuelle. Aux yeux de Kenneth, la poupée de silicone Nikki va prendre vie. Son attachement va dès lors lui jouer des tours dans sa vie quotidienne. Par manque de temps (le film dure moins d’1 heure 25), le metteur en scène a parfois été contraint à aller un peu vite. On remarquera ainsi que la folie s’empare un peu trop brutalement de Kenneth. Par la suite, lorsque le personnage principal semble sur le point de s’ouvrir aux autres, Robert Parigi a pris un peu plus le temps d’illustrer la nouvelle orientation de son histoire.
Dans cette seconde partie qui nous suggère un développement plus positif, le réalisateur n’a pas brûlé les étapes. Il nous entraîne alors vers des contrées plus joyeuses, peut-être pour mieux nous surprendre. La manœuvre est réussie, car çà marche jusqu’à un certain point. On sentait pourtant confusément depuis le début que Love Object n’était pas le genre de film à se terminer sur un banal « happy-end ».
Et Robert Parigi ne nous donne pas tort. Car l’illusion est tenace. Il est dommage que lorsque le film tourne au cauchemar dans le dernier tiers, il tombe dans le conventionnel. Moins à l’aise dans l’horreur, le réalisateur dévoile alors quelques faiblesses. Mais celles-ci se font discrètes, dissimulées il est vrai derrière une interprétation excellente. Dans la peau du personnage principal Desmond Harrington donne une réelle intensité à son rôle. Avec ses faux airs de Jude Law, il crève l’écran, tandis qu’à ses côtés Udo Kier apporte la petite touche de mystère nécessaire. Avec son air sombre, ce dernier promène une silhouette désinvolte sans trop faire d’effort, et offre à l’audience des petits intermèdes savoureux. Le regard intense de l’un des plus célèbres seconds rôles fait une fois encore des merveilles. Et à FANTASTIC’ARTS 2004, on ne s’y est pas trompé, puisque Love Object s’est vu décerné deux Prix, celui de la Cri