Depardieu était loin d'être un jeune premier lors du tournage de ce film. En effet, les réalisateurs de tout genre se l'arrachaient déjà : Pialat, Truffaut, Veber, Corneau, Blier, Bertolucci, Schroeder... Et ce n'était pas la première fois, ni la dernière, qu'il incarnait un rôle historique ou un personnage issu d'une oeuvre littéraire connue de tous (on pense, pêle-mêle, à Danton, Obélix, Colomb, Dumas, D'Artagnan, Raspoutine, Porthos, Maheu, Marin Marais, et bientôt à DSK). S'il l'a fait brillamment à chaque fois, c'est avec ce rôle qu'il s'impose clairement comme étant le plus grand acteur de sa génération, obtenant au passage un statut de monstre sacré au niveau d'un Jean Gabin, pourtant inégalé jusque là. En ce qui concerne Anne Brochet, elle aurait mérité de se voir attribué le César de la meilleure actrice pour son interprétation impeccable de Roxane. Si cette statuette lui échappera, elle repartira l'année suivante avec le prix du meilleur second rôle féminin pour Tous les matins du monde d'Alain Corneau, c'est déjà ça. Les dix Césars remportés par ce film étaient amplement mérités. Il est même regrettable que Depardieu n'ait pas gagné l'Oscar du meilleur acteur, alors que sa prestation est objectivement à un niveau bien supérieur de celle de Jean Dujardin dans The Artist, mais c'est un autre sujet. Revenons-en donc à la prestation de Depardieu. Il ne joue pas Cyrano, il est Cyrano ! Difficile de ne pas croire au destin quand on voir Depardieu à l'oeuvre ici, tant tout dans sa personnalité et dans sa vie l'ont préparé pour ce rôle : son humour, ses excès, sa présence, son génie, tout simplement. Transformer une des plus grandes pièces de théâtre de notre histoire en un film de 2h15 avec, dans le rôle principal, le voyou des Valseuses, c'était risqué. Surtout en utilisant la langue française de cette manière... Mais le pari est parfaitement réussi. Bravo.