D'abord, c'est un vrai plaisir que de redécouvrir « Cyrano de Bergerac » au cinéma, surtout dans une copie restaurée avec beaucoup de soin, permettant d'apprécier pleinement le très beau travail de Jean-Paul Rappeneau et de son directeur de la photographie, Pierre Lhomme. J'ai dans l'ensemble suivi ces aventures avec intérêt, parfois ferveur tant il est quasiment impossible de ne pas se régaler devant le magnifique texte d'Edmond Rostand : nul doute que celui-ci savait utiliser les mots et les vers avec un insolent talent. Surtout, la qualité de l'adaptation évite tout écueil, tout poncif théâtral : c'est un vrai film de cinéma, que ce soit dans les décors, les costumes, on ne sent jamais le poids de la pièce d'origine, chose suffisamment rare pour être saluée. D'ailleurs, si les comédiens surjouent parfois légèrement l'emphase, j'ai aimé voir ces derniers s'adapter pleinement au registre cinématographique, tant un jeu ouvertement scénique aurait plombé le rythme, la passion des sentiments décrits dans l'œuvre. Toutefois, s'ils sont donc tous impeccables (même si le refus d'Isabelle Adjani pour le rôle de Roxane restera un regret éternel), c'est évidemment Gérard Depardieu qui retient l'attention, et de quelle manière : faisant ressortir avec force et complexité les différentes facettes de ce flamboyant personnage, il EST Cyrano comme probablement plus personne ne le sera, que ce soit dans sa volonté constante de se mettre en scène, sa sublime répartie, sa noblesse d'âme... Au milieu de son impressionnante filmographie (du moins à l'époque), c'est certainement celui qui restera en premier dans la mémoire collective. Et pourtant, je n'arrive pas à être totalement enthousiaste. D'où cela vient-il ? Ce n'est pourtant pas faute d'enjeux captivants, notamment à travers ce « faux triangle amoureux ». Peut-être ai-je trouvé « l'opposition » Cyrano - Christian un peu facile, bien que nécessaire au vu des situations, ou moyennement convaincu que Roxane n'ait jamais deviné quoi que ce soit. À moins que ce ne soit ce rythme virevoltant ne laissant presque jamais le temps de se poser (assez paradoxal, j'en conviens) ? Ou encore ces dernières minutes ayant du mal à conclure, même si elles se justifient, elles aussi, par
le refus du héros de mourir sans avoir réussi un dernier coup d'éclat oral afin d'exprimer tout ce qu'il souhaite avant de partir
? Sans doute tout cela à la fois, le derniers tiers, plus classique, m'ayant dans son ensemble moins emballé, bien que de bonne facture également. Maintenant, sans être aussi extatique qu'espéré, voilà un vrai beau film français, reprenant élégamment à son compte le panache du héros, permettant au passage à l'un des plus beaux textes du théâtre français d'avoir une œuvre lui faisant honneur sur grand écran : en cela, « Cyrano de Bergerac » reste une référence.